Des journaux ont rapporté que vous avez apporté votre soutien à Rebrab dans le conflit qui l’oppose à Bouchouareb. Quelle est votre position ?
Ma réponse est simple. Je n’ai pas pris position. C’est une affaire qui certainement ne me concerne pas. Je n’ai pas compris les titres des journaux qui ont dit que j’ai pris position. J’ai bien indiqué au journal Le Soir d’Algérie que « quant à vous dire si le ministre n’a pas donné d’autorisation ou que M. Rebrab a triché, ça, c’est leur problème ». Je pense que c’est clair. Quand j’étais ministre, j’évitais précisément de telles situations et d’être pris au piège du sensationnel. Revenu à ma vie normale, je ne souhaite pas être mêlé à ce genre de choses. Étant de passage à l’université de Bouira pour présenter mon ouvrage sur l’économie algérienne, ma préoccupation était d’expliquer qu’il était nécessaire de renforcer la promotion des investissements dans le pays pour faire face au choc pétrolier. De fait, le glissement à une situation de diversification de l’économie demande un redéploiement des sources de financement. Actuellement, la part de l’État dans l’investissement total du pays est de plus de 51% sur la période récente alors que la part des entreprises nationales et internationales n’est que de 8%. C’est un chiffre très préoccupant car c’est l’entreprise qui fabrique la croissance et c’est elle qui crée de la valeur ajoutée.
Vous refusez donc de prendre position dans l’affaire Rebrab – Bouchouareb ?
Ce n’est pas que je refuse de prendre position. Je n’ai rien à voir dans cette affaire, ni de près ni de loin. Je me positionne sur la facilitation de l’investissement. Je me positionne pour que la part des entreprises dans l’investissement qui est de 8% actuellement devienne 20, 30 et 40%
Comment cette part peut-elle augmenter ? Que faut-il faire ?
Il doit être retenu que la croissance de l’économie nationale ne peut être solide et pérenne que si elle est endogène. C’est-à-dire que si elle est amarrée au corps économique national. De ce fait, la solution est dans la mise à niveau de l’entreprise nationale. Le gouvernement est extrêmement généreux quant aux aides qui sont données aux entreprises. Mais la contribution à la croissance de ce dernier reste insuffisante.
Pourquoi ?
La raison tient à la structure de ce secteur, son organisation et aux contraintes qu’il rencontre dans son environnement. Il s’agit donc de le mettre à niveau pour lui permettre d’absorber les aides financières qui lui sont consacrées. C’est un programme qui doit lui permettre de créer de la valeur ajoutée et donc de dégager des moyens financiers pour le réinvestissement. Il existe, à l’heure actuelle, un programme de mise à niveau auprès du ministère de l’Industrie. Il est important que le dispositif de ce programme soit revu dans le sens de plus de flexibilité et d’un plus grand ciblage afin de le rendre utile et effectif.
Quels sont les effets d’une dépréciation du dinar sur l’économie nationale ?
La Banque centrale estime qu’il n’y a pas de dévaluation du dinar. Elle a raison. Ce n’est pas d’une dévaluation dont nous parlons mais d’une dépréciation. La différence entre dépréciation et dévaluation c’est que la dévaluation est officielle et s’adresse à un changement de la parité du dinar qui est fixée. Tandis que la dépréciation, c’est le marché qui ainsi fait perdre à la monnaie nationale de la valeur. Mais le résultat sur le plan économique est exactement le même. Qu’est-ce que c’est une dépréciation, une dévaluation ? Cela signifie tout simplement que les biens importés vont coûter plus cher. La dévaluation ou la dépréciation est une arme économique pour les pays qui veulent exporter parce qu’elle leur permet de vendre à des prix nationaux inférieurs aux prix internationaux. Cela permet aux entreprises nationales de vendre sur le marché national à des prix inférieurs à ceux importés. Donc, ça peut être en soi, un fait important pour la relance de la croissance. Malheureusement, les produits consommés en Algérie sont à plus de 60% importés. Donc, la dépréciation du dinar a un impact direct évidemment sur le plan de l’inflation. Alors est-ce que nos entreprises vont en profiter ? Probablement, oui, mais il est clair qu’étant donné que nos entreprises importent massivement les équipements, les produits pour travailler, les prix à l’importation vont être plus élevés. Donc le coût de production risque également d’être plus élevé.
Comment appréciez-vous la situation de l’économie nationale ?
Notre économie est rentrée dans une situation où nous devons faire face à une baisse des recettes pétrolières. La diminution de l’exploitation des hydrocarbures était auparavant compensée par des prix du pétrole élevés sur le marché international. Maintenant, tous les prix sur le marché international ont baissé, le déficit d’exportation des hydrocarbures va avoir un impact plus important sur l’économie nationale. Et comme le budget de l’État est largement alimenté par les ressources pétrolières, il s’en suit une diminution des ressources budgétaires du gouvernement.
Comment jugez-vous les mesures prises par le gouvernement pour réduire les importations ?
Il faut prendre en compte ces mesures. On ne peut pas faire autrement de toutes les façons. Mais, il faut très rapidement compenser la limitation des importations par un redémarrage de la production nationale. Au moins en ce qui concerne les produits courants. Je pense aussi que l’agriculture est un secteur maintenant renforcé et bien pris en main. Je pense que l’Algérie peut véritablement renforcer sa production agricole pour commencer déjà à fournir le marché national.
Le gouvernement a pris de nouvelles mesures en faveur de l’investissement. Comment les jugez-vous ?
Il est clair que nous avons une très bonne loi sur l’investissement. Il faut la mettre en œuvre le plus tôt possible. Il faut dans le même temps renforcer la flexibilité de l’investissement pour qu’on aille vers ce qu’on appelle le système déclaratif
C’est-à-dire ?
Le système déclaratif veut dire qu’un investisseur qui vient chez nous n’a pas besoin de demander une autorisation pour investir. Il va voir l’ANDI, mais pour se déclarer seulement. Dans la loi sur l’investissement, il y a le régime normal où tout investisseur a droit à quelques facilités pour importer ses machines sans payer les droits de douanes, par exemple. Il y a aussi le régime de la convention destiné à l’investisseur qui demande des avantages spécifiques. C’est-à-dire que l’investisseur discute et négocie avec l’ANDI les avantages et cette dernière présente ses conditions. Je pense qu’il faut aller le plus loin possible dans le régime déclaratif. Autrement dit, faciliter l’installation rapide d’un investisseur.
Louiza Hanoun vous a, maintes fois, accusé d’emmener dans vos voyages à l’étranger Abdelmoumen Khalifa comme exemple d’investisseur algérien. Qu’est-ce que vous répondez ?
Je vous réponds très nettement que je n’ai jamais pris Khalifa dans les bagages à l’étranger pour présenter l’investissement en Algérie. Je prenais mes propres cadres, dont des dames qui étaient très excellentes dans la présentation. Et je n’ai jamais pris avec moi Moumen Khalifa.
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