«Nous n’avons même pas de tentes !»

La population de Mihoub, commune située aux confins de la wilaya de Médéa, est en colère. Et pour cause : les citoyens de cette commune fortement ébranlée par le séisme du 29 mai et par les secousses telluriques qui l’ont précédé, se sentent totalement abandonnés par les autorités. La région présente pourtant toutes les stigmates et séquelles d’une zone sinistrée, que ce soient le chef-lieu de la commune ou les douars qui l’entourent. «Nous passons la nuit dehors. Nous ne pouvons plus regagner nos foyers. Et ça ne date pas du dernier séisme. Cela fait presque deux mois que ça dure. Depuis le séisme du 10 avril, nous n’avons plus mis les pieds chez nous et personne n’a daigné nous venir en aide. La population de Mihoub est totalement livrée à son sort !» s’insurge un enseignant habitant à haï Rezgui Abdallah. Un autre citoyen sinistré lâche : «Nous vivons l’enfer. Nous sommes traumatisés. Nous sommes harcelés par les secousses. Ça n’arrête pas. Nos maisons menacent à tout moment de s’écrouler sur nos têtes. Nos femmes sont affolées. Nos enfants sont terrorisés. On ne dort plus la nuit. Nous sommes tous ‘‘mankoubine’’. Nous vivons au rythme des séismes et personne ne se soucie de nous. Nous allons devenir fous. Il faut faire quelque chose !» Outre les vieilles bâtisses et autres habitations précaires qui sont sévèrement touchées, le plus surprenant à Mihoub est que même les nouvelles cités ont accusé le coup de façon spectaculaire. La cité des 60 Logements et celle des 22 Logements, construites de fraîche date, ne sont plus que des bâtiments fantômes lézardés de partout. Les locataires ont dû abandonner leurs appartements par crainte de répliques fatales et doivent désormais s’accommoder d’abris de fortune en attendant une prise en charge sérieuse de la part des autorités. Sauf que celles-ci semblent complètement dépassées. Une foule immense était massée toute la journée d’hier aux portes de l’APC pour exiger des mesures d’urgence. «Le secrétaire général de la wilaya est en réunion avec le maire», nous dit-on. Pendant ce temps, la foule s’impatiente. Des clameurs montent. Des cris. «Sibouna hell !» (trouvez-nous une solution), hurle un sinistré terrassé par plusieurs nuits blanches. Le bac compromis pour 282 élèves «Nous ne demandons pas l’impossible. Au moins qu’on nous attribue des tentes pour mettre nos familles à l’abri. L’Algérie est prompte à prêter assistance aux pays éloignés et personne ne se soucie de notre sort. Il n’y a pas une seule famille à Mihoub et dans les douars environnants qui n’ait son lot de désolation. Pourtant, Tebboune avait promis d’installer rapidement des tentes. Qu’est-ce qu’ils attendent pour nous les envoyer ?!» fulmine Ammi Khaled, un homme d’un certain âge vivant dans un hameau près de Mihoub. De fait, le ministre de l’Habitat, Abdelmadjid Tebboune, avait rendu visite ce dimanche à la commune sinistrée et fait des promesses, dont l’installation de camps pour accueillir les familles sinistrées et le lancement d’une expertise fouillée pour recenser toutes les bâtisses touchées. Jusqu’à hier après-midi, les seules tentes et autres refuges que l’on pouvait voir à Mihoub étaient le fait de citoyens désemparés qui ont dû recourir au système D pour mettre leurs enfants à l’abri. L’impression générale qui se dégage en faisant le tour des quartiers et des haouchs de la commune est un incommensurable sentiment de solitude. Pour couronner le tout, ce désastre survient en pleines épreuves du baccalauréat. 282 candidats au bac de la commune de Mihoub doivent, en effet, passer l’examen le plus décisif de leur vie dans des conditions dantesques. Même l’unique lycée de la commune (le lycée Belgherbi Saïd) a été sévèrement affecté. «Il est fermé depuis le séisme du 10 avril», nous dit Ahmed Hamdaoui, le courageux directeur de l’établissement, en nous faisant visiter des locaux dévastés (nous y reviendrons dans notre prochaine édition). La fermeture du lycée en pleine préparation du baccalauréat a sérieusement compromis – on l’imagine aisément – les chances des élèves de Mihoub. D’ailleurs, d’aucuns parmi eux ont d’ores et déjà déclaré forfait tant la situation devient insoutenable. Et les secousses n’arrêtent pas. Nous avons vécu sur place, «en direct», l’effet d’une réplique (d’une magnitude de 3,1) et c’est assez impressionnant. On comprend que la population soit à bout de forces, à bout de nerfs, à bout de tout. Il est grand temps de déclarer, comme il se doit, la wilaya de Médéa zone sinistrée et de lui apporter tout le soutien et l’assistance qui s’imposent !  

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