Les cours du baril ont reculé en dessous du seuil des 30 dollars. Quels sont les facteurs qui expliquent, selon vous, la chute vertigineuse et inexorable des cours du brut ? C’est ce qu’on appelle les fondamentaux. Vous avez une offre largement supérieure à la demande. C’est un premier facteur. Mais cela dure depuis un certain temps déjà. Il y a aussi les économies qui commencent à rétrécir. On a vu l’exemple de la Chine. Et cela a un impact sur la demande qui ne fait que diminuer. Il y a aussi la décision de certains membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de maintenir les niveaux de production, malgré la situation actuelle. Situation qui n’est pas favorable aux vendeurs, mais plutôt aux acheteurs, à savoir une offre bien supérieure à la demande. Cela est d’autant plus inquiétant qu’il y a la possibilité de voir l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché. Il semble aussi que le dossier du nucléaire iranien soit réglé et que les sanctions soient levées par l’Union européenne et les autres pays. Probablement, l’Iran sera amené à augmenter sa production et rattraper le manque à gagner du fait des sanctions depuis maintenant dix ans. Il semblerait qu’il soit prêt à mettre très rapidement 500 000 barils par jour (b/j) sur le marché. N’oublions pas aussi qu’aujourd’hui, beaucoup de pays producteurs sont limités par rapport à leurs capacités de production. On peut citer l’exemple de la Libye ou encore celui de l’Irak. Autant de facteurs qui laissent penser que l’avenir n’est pas très rose pour le marché pétrolier. Cependant, le marché avait commencé à anticiper le retour de l’Iran. Pourquoi une réaction aussi vive aujourd’hui ? Oui, le marché a anticipé le retour de l’Iran, mais il faut savoir qu’il est très réactif. A partir du moment où l’Iran annoncera une augmentation de sa production, il réagira encore. C’est vrai que le marché a anticipé, mais le jour où cela deviendra effectif, il réagira en conséquence. La banque américaine Stanley prévoit un baril à 25 ou 20 dollars. Les cours pourraient-ils crever ce seuil ? Où se situe aujourd’hui, selon vous, le prix plancher du brut ? Personne ne dispose d’une boule de cristal pour dire aujourd’hui quel sera ce prix plancher. Nous sommes dans une tendance baissière prononcée et le pétrole va continuer à chuter, sauf événement particulier ou une décision de l’Opep de réduire sa production de 2 à 3 millions de b/j. Si les choses restent telles qu’elles le sont aujourd’hui, il n’y a aucune raison pour que la chute s’arrête. Maintenant, quel sera le prix de la réaction auquel la chute va s’arrêter ? Personne ne peut le dire. Pensez-vous que dans les conditions actuelles, le scénario d’un rééquilibrage du marché au second semestre 2016 peut tenir la route ? Je le souhaite en tant que citoyen d’un pays producteur. Mais je ne vois pas comment cela serait possible. La tendance est baissière. Je vous donne un exemple : en d’autres temps, les tensions entre l’Arabie Saoudite et l’Iran auraient fait bondir le baril de pétrole de 4 à 5 dollars de plus. Or, dans la situation actuelle, le cours n’a absolument pas réagi, alors qu’il aurait dû le faire à un tel événement majeur. Dans ces conditions, peut-on dire que l’Algérie risque un choc encore plus violent en 2016 et en 2017 ? A partir du moment où notre économie est basée essentiellement sur nos exportations en énergie, l’évolution du marché est une donnée dont il faut tenir compte. N’oublions pas qu’on parle beaucoup du prix du pétrole, mais il y a aussi le gaz qui suit derrière. Et ce dernier est un élément important dans nos recettes. N’oublions pas aussi que l’Iran dispose des deuxièmes réserves de gaz les plus importantes au monde, et il sera aussi amené à exporter son gaz. Justement, la revue spécialisée Petrostratégies évoque les risques qui pèsent sur la position de Sonatrach sur le marché européen du gaz avec l’arrivée du GNL américain et du gaz de Méditerranée orientale. Quel est votre avis sur la question ? Il est certain qu’il faut tenir compte de tout cela. D’autant plus que certains acheteurs souhaitent renégocier les contrats de fourniture de gaz et ne veulent plus de contrats à long terme. Ils demandent pratiquement des conditions de marché spot. Il y a des pays qui sont prêts à accepter ces conditions et cela va changer complètement la problématique du gaz. Il ne faut pas se braquer sur le pétrole. On s’est battus pour l’indexation des prix du gaz sur le pétrole et les produits raffinés. Si le prix du pétrole chute, le prix du gaz va suivre. Il faut tenir compte de ces données et essayer de trouver une réactivité. Le gaz reste important pour nous, c’est 35% de nos recettes. Une récente étude explique qu’à un prix en deçà des 20 dollars, il ne serait plus rentable d’exporter du brut pour l’Algérie. Quel est votre avis sur la question ? C’est toute la problématique des coûts de production au sein de Sonatrach qu’on ne connaît pas vraiment. Si on arrive à un baril à 20 dollars et sachant que nos coûts de production, bien qu’ils soient inférieurs à 20 dollars, n’en sont pas très loin, cela serait effectivement très préoccupant.
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El Watan