En dépit d’infinies précautions pour ne pas désigner nommément le responsable de la tragédie financière qui nous attend, journalistes et analystes finissent toujours, néanmoins, par nous en esquisser le portrait : Abdelaziz Bouteflika !
Le chef de l’État s’est servi des deniers publics comme de son coffre personnel pour assouvir son obsession de pouvoir : acheter les soutiens nationaux et étrangers, s’offrir la paix sociale, récompenser les groupes qui l’ont aidé à prendre le pouvoir, satisfaire ses propres lubies, organiser des festivals onéreux censés illustrer le « prestige retrouvé » de l’Algérie sous sa direction, bref, user et abuser de l’argent public pour des dépenses sans rapport avec le développement du pays, strictement destinées à la consolidation de son propre pouvoir.
Résultat : 800 milliards de dollars gaspillés en 15 ans ! Cette manne providentielle aurait pu faire de l’Algérie un grand pays émergent ; elle est partie en fumée, dans les caprices présidentiels, une partie dans la poche des copains, une partie dans les « dépenses corruptrices », une partie dans les somptuosités et autres folies des grandeurs, dont la future Grande mosquée d’Alger à 1 milliard d’euros, est le parfait symbole.
Cette conduite personnelle et autocratique des affaires de l’État a été rendue possible précisément parce que l’État, ou ce qu’il en restait, a été totalement étouffé par le président dont la première mesure avait consisté à mépriser et stériliser les institutions étatiques qu’il avait trouvées à sa prise de pouvoir.
L’Algérie est sans doute, depuis 16 ans, l’un des rares pays à subir un pouvoir absolu comparable à celui de la Corée du Nord. La dilapidation de l’argent public n’a été rendue possible que par ce que l’Algérie ne dispose plus de structures de concertation et de contrôle, ni encore moins de contre-pouvoirs, tous éliminés ou réduits au silence par le président.
Les malversations de l’ancien ministre de l’Énergie n’ont pu se faire qu’avec le gel du Haut conseil de l’énergie qui ne s’est plus réuni depuis 1999 ! Le président et son ministre ont géré Sonatrach à eux seuls ! Ne parlons pas du Cnes, complètement ignoré ni des différentes commissions parlementaires qui faisaient office de structures de contrôle.
L’inertie a remplacé le mouvement, la corruption a remplacé la gestion, la dilapidation a remplacé la raison. Tout cela est clairement résumé dans l’article « Les 12 décisions économiques irrationnelles qui vont coûter cher à l’Algérie » publiée par TSA sous la plume de Tewfik Abdelbari.
Pas une seule de ces décisions « irrationnelles » n’échappe à la règle : elles ont toutes été dictées par le président de la République pour des raisons liées au pouvoir personnel.
Ainsi va-t-il de ce scandaleux rachat pour 4 milliards de dollars de l’opérateur Djezzy que le journaliste qualifie de « fiasco » (il faudrait près de… 45 ans pour que l’État rentabilise son investissement). Comme nous l’avions écrit dans TSA des 6 et 11 février 2015, cette opération a été ordonnée dans la précipitation par Bouteflika après que les anciens propriétaires de Djezzy, qui étaient en conflit avec les autorités algériennes, aient menacé de mettre le contentieux entre les mains d’un arbitrage international. Panique ! Surtout pas de déballage public d’une affaire pas du tout honorable pour l’Algérie ! C’est que le dossier Djezzy comporte de graves atteintes à l’intérêt national, initiées et conduites, dès 1999, par le clan présidentiel lui-même et qu’il était impératif de conserver dans le secret. Cela, Égyptiens et Russes le savaient et l’ont habilement exploité, forçant l’Algérie à racheter, en 2015, et à trois fois son prix, un cadeau que le Président avait offert gracieusement, en 1999, à des investisseurs arabes !
Mais il y a plus grave : l’institutionnalisation de la prédation. Autour de cette gestion personnelle de la rente pétrolière sont venues se greffer toutes sortes de bandes prédatrices que Madame Louisa Hanoune appelle « oligarchie » mais qui ne sont, en réalité, qu’une mafia profitant du vide politique créé par notre président. Ce sont eux les véritables soutiens du président. Ce sont eux qui bloquent, aujourd’hui, tout retour à la raison économique et ce n’est pas un hasard que le président de la commission parlementaire du FLN, qui n’est autre qu’un milliardaire de Tébessa enrichi par les monstrueuses enveloppes allouées aux importations, s’est opposé à la dernière mesure gouvernementale imposant le paiement par chèque.
Ce n’est pas un hasard, non plus, si cette même pègre agissant au nom du FLN (parti au pouvoir !) s’est élevée contre le retour aux licences d’importation et à l’encadrement des achats à l’étranger, se permettant même le luxe de limoger le ministre à l’origine de cette proposition, le pauvre Amara Benyounès qui a cru pouvoir concilier le vice et la vertu.
Et ce n’est pas un hasard si la Loi de finances pour 2015 a abaissé l’imposition pour les importateurs et… augmenté cette même imposition pour les producteurs ! (la mesure a été corrigée dans la LFC2015). Le message est clair : la Cosa Nostra qui pilote les importations ne veut pas d’une production nationale qui se substituerait aux importations et viendrait réduire leurs énormes profits.
Aussi faut-il arrêter de se mentir : aucun redressement, aucune autre politique économique basée sur l’intérêt national, n’est envisageable aujourd’hui tant que persiste le pouvoir absolu du clan Bouteflika.
Il n’est plus l’heure de continuer à proposer aux coquins des « solutions de sortie de crise » ; cela en devient grotesque. L’urgence est à arracher l’Algérie aux griffes des coquins. Chaque jour compte.
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