Finances et rentrée sociale : Le gouvernement dos au mur

La rencontre gouvernement-walis, aujourd’hui à Alger, va certainement contraindre l’Exécutif à tenir un discours de vérité sur la perte des moyens financiers de l’Etat pour justifier le gel des projets de développement. Le gouvernement Sellal réagit-il à la mesure de la crise qui menace la sécurité financière du pays ? Depuis que le marasme économique a débuté, il y a près de deux ans, avec la chute brutale des cours du pétrole où les niveaux des prix n’ont jamais atteint un seuil aussi bas, nos réserves financières se rétrécissent comme peau de chagrin au point où nombre d’observateurs avertis, tel Sid Ahmed Ghozali cette semaine, ne cachent pas leur inquiétude sur les chances de sortie de crise. En quelques mois seulement, l’Algérie est passée du statut de pays à l’aisance financière à celui  d’«en proie à la crise », menaçant ainsi les fondements de la stabilité dont se prévaut l’Exécutif. Les choses vont trop vite par rapport aux réactions du gouvernement qui semble serein, ou du moins joue la carte psychologique du «papa zen» qui se veut rassurant devant sa petite famille au moment d’un tsunami. La réunion prévue aujourd’hui avec les walis et la tripartite programmée à la mi-octobre meublent un agenda censé apporter pourtant des réponses d’urgence à une situation d’urgence. Car il s’agit, en réalité, de voir dans quelle mesure le gouvernement — dont la marge de manœuvre est fortement réduite pour inventer tout de go une économie hors hydrocarbures — aura les capacités de passer d’un état d’opulence à celui de crise ? Il y a, en effet, au moins trois obstacles sérieux à cette option. D’abord en matière de compétences, ce gouvernement serait loin d’être à la hauteur du défi. Hormis quelques perles d’exception, le casting comporte beaucoup d’erreurs. Le deuxième obstacle a trait à la nature même de la gouvernance économique, sur fond de lutte de clans qui parasite tout un processus de décisions. Enfin, le soldat Sellal doit savoir que pour traverser cette crise, il a besoin d’un soutien populaire accru pour faire passer la pilule de l’austérité. Or, la confiance populaire semble plus que jamais écornée par les scandales de corruption, la mauvaise gestion et les multiples promesses non tenues durant toutes ces années de l’embellie financière. N’est-ce pas lui qui clamait, en 2013, lors d’une réunion gouvernement-walis : «Combattez les pratiques bureaucratiques ! Luttez contre la corruption ! C’est la mère des batailles que nous devons gagner.» La bureaucratie et surtout la corruption n’ont pas baissé d’un iota, au contraire. À la recherche d’un sursis Officiellement, la rencontre d’aujourd’hui vise à «créer de nouvelles opportunités pour le développement de l’économie nationale et l’ouverture sur l’investissement», comme annoncé par Sellal lors de sa visite à Constantine, le 20 août dernier. Une chose est sûre : elle servira aussi, pour le Premier ministre, à donner aux walis de nouvelles directives inspirées par la nouvelle situation. Il est désormais du domaine public que des milliers de projets d’équipement publics ont été annulés récemment faute de fonds. Ces annulations vont produire des conséquences fâcheuses sur l’emploi et l’activité de milliers d’entreprises, sans parler de l’insatisfaction des besoins auxquels étaient destinées ces infrastructures. Cette récession qui se profile à l’horizon est porteuse de troubles sociaux sur lesquels les walis doivent anticiper et se préparer. Ce sont des pressions à gérer d’abord au plan local, pour éviter surtout des dérapages inutiles qu’il faudra payer cher. Cela donnera plus de temps au gouvernement, qui cherche encore les solutions les moins pénibles, mais qui sait pertinemment qu’il n’a pas le choix, si ce n’est prendre des mesures douloureuses. La tripartite prévue à Biskra, dans quelques semaines, obéit à la même tactique visant à gagner des soutiens, calmer le front social ou du moins obtenir un sursis. A défaut d’avoir construit une économie forte, capable de préserver l’avenir des Algériens, cet Exécutif a joué les flambeurs et fait la sourde oreille devant les nombreux avertissements donnés par des économistes et des hommes politiques.  Est-il encore temps pour éviter le naufrage économique et donc l’ explosion sociale ?

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