La dernière enquête de l’ONS révèle que les Algériens se marient moins. A l’inverse, le volume des divorces continue à augmenter. Assiste-t-on à un bouleversement de l’ordre social ?
Ces statistiques démographiques montrent qu’il y a une évolution rapide des liens d’intensité en Algérie. Et j’entends par «liens d’intensité» toutes les formes de solidarité, de ressemblance, de valeurs et de normes qui constituent le vivre-ensemble.
Il y a des changements dans les rôles sociaux et un affaiblissement des valeurs qui peuvent expliquer la baisse du nombre de mariages et la hausse des divorces.
Il y a un véritable relâchement et un déficit d’autorité qui dirigent notre société vers un modèle plus individualiste, plus égoïste. Le plus alarmant, c’est que cette évolution a lieu dans le désordre, ce qui fait que l’Algérie traverse une véritable crise sociale.
L’accès des femmes au marché de l’emploi, qui s’est accéléré ces vingt dernières années, participe-t-il au bouleversement de cet ordre social ?
Evidemment. Les femmes travaillent plus, sortent plus et résistent de plus en plus aux contraintes liées au mariage. Il y a également les mentalités qui changent. Les hommes aujourd’hui n’ont plus les mêmes quêtes qu’avant. Il y a en Algérie une obsession du profit, même dans le mariage. Cela engendre cette notion de désordre sociale par rapport à l’inclusion et à l’intégration de l’individu dans la société.
Se marier en Algérie coûte cher, serait-ce une autre explication ?
Pas forcément. Avant les Algériens ne dépensaient pas forcément beaucoup d’argent pour se marier, ni pour se loger. Ils vivaient selon leurs moyens. Ce qui n’est plus le cas. Aujourd’hui, les Algériens ont des comportements irrationnels. Ils vivent au-dessus de leurs moyens et cette irrationalité des dépenses que l’on constate, notamment, dans la manière qu’ils ont d’organiser leurs mariages révèle la nature du malaise, de la crise que traverse la société. La conscience sociale des Algériens devient fausse et basée sur le faux.