Pas de terrain d’entente au sein de l’opposition

A pratiquement un an de l’élection présidentielle, la scène politique demeure très calme et aucun candidat ne semble décidé à se présenter pour destituer l’actuel président Bouteflika qui, bien que très affaibli depuis son AVC survenu en 2013, compterait, selon les allégations des uns et des autres, briguer un 5e mandat. Entre un pouvoir affaibli, une opposition clairsemée et une société civile en mouvement… «Si Bouteflika se représente une nouvelle fois, il sera élu Président encore une fois. Il n’y a plus de suspense. C’est pour cette raison qu’on ne vote pas. On sait pertinemment que notre voix ne sera pas décisive», se désole Mourad, un jeune Algérois de 33 ans. Une opinion largement partagée par Kamel, un père de famille de 51 ans qui ajoute : «Malheureusement, nous n’avons pas le choix. On n’entend parler de l’opposition que lors des élections. Tout le reste de l’année, c’est silence radio. On ne peut pas faire confiance à un candidat qui se présente comme étant opposant et qui nous promet monts et merveilles, alors qu’en vérité il n’est là que pour ses propres intérêts. La voix de l’opposition doit se faire entendre à longueur d’année, sinon ça ne sert à rien de se prendre pour ce qu’on n’est pas». Cet état d’esprit est celui de nombreux algériens qui n’ont plus confiance en la machine électorale et se retrouvent souvent contraints de voter blanc ou pour le candidat FLN «par défaut», assurent-ils. Conscience Une situation qui décourage autant les citoyens que les militants, à l’image d’Amira Bouraoui. En effet, le 12 mars dernier, la militante a fait véhiculer un message poignant et a promis de se retirer de la scène et carrément de quitter le pays si cinquième mandat il y aura. «J’ai milité contre le viol de la Constitution en 2008. J’ai milité contre un 4e mandat en 2014 et je militerai contre un 5e mandat pour 2019. Ceci dit, s’il y a un 5e mandat malgré tout, je quitterai l’Algérie. J’estime que si un peuple accepte un tel mépris, il faut changer de peuple et de pays. Ne pas se reconnaître parmi les siens nécessite de changer d’endroit. Les peuples soumis ne sont pas ma tasse de thé. Je ne parlerai plus jamais de l’Algérie.»   Promesse «Une nation est avant tout la conscience d’un peuple. Sans conscience, il n’y a pas de peuple. Je ne militerai plus jamais pour des soumis», promet-elle. Face à cette situation, le parti Jil Jadid a proposé l’idée de présenter «une candidature commune de l’opposition». Une idée qui n’a pas fait long feu auprès des autres partis… et à chacun ses raisons. Le parti du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) estime que tant que la fraude n’est pas éradiquée, qu’ils soient un ou plusieurs candidats, «aucun ne passera face au candidat du pouvoir». Yassine Aïssiouane, son chargé de communication, confie : «C’est pour cela que nous demandons une élection ouverte et transparente, pilotée par une instance indépendante de gestion des élections.»   Consensus Même son de cloche du côté du Parti des travailleurs (PT) ou presque ! Pour Djelloul Djoudi, cadre dirigeant du parti de Louisa Hanoune, chaque parti a le droit d’avoir une idée sur la solution qui pourrait faire avancer la situation. «Notre parti, via sa secrétaire générale, a lancé, le 14 février dernier, une pétition pour demander au président Bouteflika la convocation d’élections pour une Assemblée nationale constituante afin de jeter les bases d’un véritable renouveau politique institutionnel à même de sauver l’Etat algérien et d’immuniser notre pays», explique Djelloul Djoudi. Selon ce dernier, le PT est donc déjà en campagne populaire à laquelle il invite les autres partis à adhérer. Pour le Front des forces socialistes (FFS), cette idée d’un candidat commun pour l’opposition n’est pas nouvelle. «L’idée n’a juste pas été formulée clairement dès le départ. Mais elle a toujours été évoquée¸ affirme Hassan Ferli, le secrétaire national chargé de la communication. Si notre parti n’a pas adhéré à cette idée, c’est tout simplement qu’au-delà de la personne de ce candidat unique, on cherche à préserver notre pays», soutient-il. Selon lui, le FFS plaide pour un consensus national répondant à l’aspiration de tous, entre autres les partis politiques, syndicats et société civile «pour mettre fin au régime actuel et permettre l’avènement d’une deuxième République fondée sur le droit et la démocratie», explique-t-il. Richesses Ce consensus ne sera conduit que par un dialogue sérieux avec le pouvoir et toutes les parties de la société. Pour le politologue Mourad Goumiri, l’idée d’un candidat commun pour toute l’opposition est généreuse mais impossible à réaliser tant le paysage politique de l’opposition est fragmenté. «Le pouvoir ne laissera jamais émerger la candidature unique d’un opposant capable de remporter l’élection présidentielle. Les tenants du pouvoir ne souhaitent pas rendre des comptes de leur gestion et sur l’accumulation des richesses qu’elle a générées pour le pouvoir et sa clientèle au cours de ces vingt dernières années. C’est un risque majeur que le pouvoir ne prendra jamais pour lui-même et pour les intérêts qu’il représente... Donc, le statu quo est de rigueur», confie-il. Par ailleurs, selon le politologue, si l’opposition n’arrive justement pas à se mettre d’accord sur un seul candidat, c’est parce que le débat ne porte pas sur les programmes et les idées mais sur les hommes et les personnages. Dès lors, les aspects subjectifs l’emportent sur ceux objectifs. Le spécialiste n’en oublie pas pour autant l’emprise du pouvoir sur ces partis. Il explique que la raison pour laquelle on n’entend pas trop la voix de l’opposition, c’est parce que tout a été fait pour la rendre inaudible, voire muette de par le refus de lui allouer des salles, l’absence de financement, l’interdiction de rassemblement et l’accès équitable aux médias lourds. Scrutin «Au niveau organique, dès qu’un parti commence à s’implanter dans la société, il est immédiatement ‘‘redressé’’, c’est-à-dire l’émietter de manière à l’amoindrir, voire le faire disparaître. Mais pour avoir une image démocratique, le pouvoir laisse survivre une certaine opposition pour la consommation internationale. Il s’en sert pour se crédibiliser en quelque sorte, ce qui rend sa démarche ambigu뻸affirme-t-il. De plus, le politologue confie que l’autre raison pour laquelle on n’entend pas la voix de l’opposition jusqu’à présent, et ce, même si nous sommes à un an de l’échéance présidentielle, c’est parce que «tout le monde est accroché aux lèvres du président elliptique : pouvoir, opposition, étranger». Mourad Goumiri affirme qu’en cas de renoncement forcé ou volontaire, le problème de la succession jaillira. «Mais dans le cas d’une reconduction du bail pour 5 ans, il ne fait aucun doute pour tous que l’opération passera comme ‘‘une lettre à la poste’’», assure-t-il. Selon lui, tout le problème réside dans la crédibilité nationale et internationale de ce scrutin. Un scrutin qui ne sera porteur, selon Mourad Goumiri, d’aucun suspense ni autre possibilité que celle d’un cinquième mandat pour l’actuel président. «Je peux même vous donner le résultat du scrutin : 52% de participation et 73% de bulletins en sa faveur. Mais ce qui m’angoisse vraiment, c’est le lendemain de l’élection», conclut-il.

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