Le succès sur les décombres du handicap

Nombreuses sont les personnes qui ont répondu à l’appel aux dons lancé via les réseaux sociaux au profit de l’école des jeunes aveugles. Un appel qui s’est avéré faux, pour ne pas dire une pure arnaque, et démenti catégoriquement par la direction de l’école. Mais, l’école manque-t-elle réellement de moyens, comme le prétendent les initiateurs de cet appel ? Les enfants sont-ils mal pris en charge ? Une visite à cet établissement était suffisante pour répondre à ces questions et bien plus.  Il est 11h. Le soleil de ces derniers jours d’août est accablant. A l’intérieur de l’école des jeunes aveugles d’El Achour, qui s’étend sur presque 4 hectares, le silence est apaisant dans la grande cour jonchée d’herbes et de feuillage. Un silence qui sera rompu dans moins de 15 jours avec la rentrée scolaire. Les arbres d’eucalyptus et les palmiers lui procurent une ambiance de forêt enchantée. Une sensation qui s’accentue à la vue du château qui sert aujourd’hui de lieu d’hébergement aux 200 locataires de cette école. Reçus par Rachid Kechad, le directeur de cette école, notre visite commence. Il faut le dire, l’ambiance à l’intérieur du château est tout le contraire de celle de l’extérieur. Le personnel de l’école, entre cadres et simples agents, travaillent d’arrache-pied pour être prêts à accueillir les élèves. «Nous avons acquis de nouveaux lits et matelas. Nous sommes en train de les monter pour les mettre à leur place dans les chambres», déclare M. Kechad fièrement. En effet, des cartons sont entassés dans une salle juste à l’entrée du château et les travailleurs, y compris l’économe, travaillent d’une seule main pour tout finir. A l’étage, une dizaine de matelas sont là en vue de les mettre dans le magasin, en attendant de trouver une solution plus adéquate au lieu de les jeter. Même s’ils ne sont pas vraiment dans un piteux état, le directeur déclare qu’ils ne sont plus confortables pour les enfants. A l’intérieur des dortoirs, des femmes de chambre sont là pour arranger les lits. Selon l’une d’elles, ces petits ne sont pas de simples élèves mais plutôt ses enfants. «Nous ne sentons pas leur handicap, bien au contraire. Cela fait 17 ans que je travaille dans cet établissement et j’y ai côtoyé plusieurs générations. Je peux vous dire qu’ils sont juste merveilleux, polis et très débrouillards», confie-t-elle avant de reprendre son travail. Des cours de braille pour les parents d’élèves D’après le directeur, l’école a dépassé ses capacités d’hébergement mais «nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons pas refuser un enfant qui habite loin et ne peut suivre ses cours en externat. Nous réaménageons nos chambres pour qu’elles puissent accueillir le maximum de pensionnaires dans le confort absolu», ajoute-t-il avant d’espérer que l’école de Blida soit opérationnelle cette année pour faire baisser la pression sur celle d’El Achour et permettre à tous les enfants, avec évidemment l’approbation de leurs parents, de les accueillir comme internes. «Cela aussi nous permettra de mettre fin au problème du transport qui se pose depuis un certain temps. La wilaya a mis à notre disposition un bus scolaire qui malheureusement est obligé de passer dans plusieurs communes, voire wilayas, pour le ramassage des élèves. Nous avons des élèves qui habitent à Hammadi dans la wilaya de Boumerdès et d’autres dans la périphérie de la wilaya de Blida. Des déplacements qui prennent du temps et qui sont fatigants et pour le chauffeur et pour les enfants», déplore notre interlocuteur qui ajoute également qu’une opération d’achat d’un nouveau transformateur de courant est en cours afin de pallier les différentes coupures de courant.  Concernant les dons, M. Kechad nous explique qu’il est strictement interdit à l’école de recevoir des aides financières de la part de donateurs. Encore moins de lancer des appels aux dons. Par contre, il est tout à fait possible à l’école de recevoir des objets en cadeaux, tels que des tablettes de braille, des livres sonores ou autres. L’école des jeunes aveugles d’El Achour justifie à chaque fin d’année scolaire ses efforts par un taux de réussite de 100% dans les deux paliers qu’elle assure, à savoir le primaire et le moyen. Une nouveauté cette année est d’accorder aux parents d’élèves, notamment ceux en externat, des cours de braille afin qu’ils puissent aider et accompagner leurs enfants dans leur révision. Le problème d’encadrement, qui se posait il y a quelques années, a été solutionné, selon M. Kechad, l’année dernière. «Nous avons aujourd’hui assez d’enseignants qualifiés et spécialisés dans leur domaine. Une majorité de ces enseignants sont des anciens élèves de cette école. Ils ont réussi et mettent à profit leur réussite au service de ces nouvelles générations, tels que le professeur de sport. Athlète, ce dernier assure les entraînements des petits qui sont aussi de véritables sportifs. D’ailleurs, nous avons 3 filles dans la sélection nationale de goal-ball. Elles sont en train de préparer le tournoi qui aura lieu à Charm El Cheikh, en Egypte. Nous avons également un jeune garçon de 14 ans, qui pourrait être le futur Morsli.» Des activités extrascolaires au menu Afin d’aider ces jeunes élèves à affronter la vie, des activités extrascolaires sont aussi dispensées. Depuis quelques années déjà, en 2012 plus exactement, des cours culinaires leur ont été accordés, notamment aux filles. Dans des groupes à nombre réduit, ils apprennent à être indépendants et surtout se sentir utiles. On leur inculque les bases de l’art culinaire et les techniques de rangement et surtout les différents dangers qu’il y a dans une cuisine, notamment le feu. Ils préparent aujourd’hui le café, le lait, le thé et comment débarrasser une table, ranger la vaisselle et nettoyer une cuisinière. Des gestes simples qui entrent dans la liste des indispensables de la vie quotidienne. Cette année aussi, de nouveaux cours seront dispensés à ces pensionnaires de l’école : le jardinage. Durant le mois de Ramadhan dernier, les cuisiniers de l’école n’ont pas acheté tous les légumes dont ils avaient besoin, mais ils les ont cultivés eux-mêmes dans le petit jardin potager qu’ils ont aménagé dans la courette mitoyenne à la cuisine. Une initiative qui sera cette année exploitée et transformée en cours pour les enfants. M. Kechad trouve en cette activité une nouvelle option qui permettra à ces enfants de décompresser, d’exploiter leur sens développé du toucher et surtout voir autrement la beauté de la nature et de la vie. 

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