Les efforts que déploie Abdelkader Messahel, ministre des Affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, pour rapprocher les points de vue des différents belligérants libyens ne sont que la face apparente de la contribution de l’Algérie au règlement de la crise libyenne. Dans la discrétion la plus totale, un groupe de cadres de la présidence de la République fait régulièrement des va-et-vient entre Alger, Tunis et un certain nombre de villes libyennes pour y rencontrer des acteurs locaux. Le plus visible de ces cadres est sans conteste Ahmed Ouyahia, le directeur de cabinet du président Bouteflika. Rompu à la négociation et au travail de coulisses, l’ancien artisan de l’accord de paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée, travaille depuis quelques semaines au corps des leaders de mouvements islamistes libyens et des chefs de milices se revendiquant de la confrérie des Frères musulmans afin de les convaincre de l’utilité d’aller vers un dialogue inclusif, d’accepter de déposer les armes et de s’engager dans une dynamique de réconciliation nationale. Ghannouchi, l’intermédiaire Selon une source libyenne, le directeur de cabinet du président Bouteflika s’est d’ailleurs rendu dernièrement au moins à deux reprises en Tunisie pour y rencontrer Ali Sallabi, un acteur islamiste influent en Libye et membre de l’Association mondiale des oulémas musulmans. D’autres sources évoquent également des contacts avec des responsables du Parti de la justice et de la construction (PJC), formation également affiliée à la mouvance des Frères musulmans. Les rencontres ont eu lieu grâce au concours de Rached Ghannouchi, le chef du parti tunisien Ennahdha, qui a aussi de solides attaches avec la confrérie religieuse. Le leader islamiste tunisien a beaucoup contribué à ouvrir des canaux de discussions entre l’Etat algérien et certains mouvements islamistes libyens. D’où d’ailleurs ses voyages fréquents à Alger, une ville qu’il connaît bien pour y avoir séjourné durant les années 1990 après que son mouvement ait été durement réprimé par le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Et à chacun de ses voyages, il est reçu en grande pompe par le président Bouteflika. Ahmed Ouyahia se serait, soutient-on, rendu en Tunisie avec pour mission de transmettre à ses interlocuteurs un message clair : «L’Algérie ne ménagera aucun effort pour faire taire les armes et éviter la guerre en Libye qu’à la condition que les Frères musulmans libyens déposent les armes, que leur mouvements se transforment en parti politique et qu’ils prennent officiellement leurs distance svis-à-vis des groupes terroristes (Al Qaîda et Daech, ndlr).» Le message d’Alger L’ancien diplomate a également clairement fait comprendre à Ali Sallabi que personne, dans la région, n’acceptera que les Frères musulmans s’assoient une table de négociations en tant que force militaire, à commencer par l’Egypte et son protégé le maréchal Khalifa Haftar. A la tête d’une armée de plusieurs milliers d’hommes, Khalifa Haftar a même menacé de reprendre Tripoli par la force, dans le cas où les milices islamistes qui y sévissent refuseraient de déposer les armes. Le commandant en chef de l’Armée nationale libyenne a accusé, non loin que la semaine dernière, très clairement le Qatar et la Turquie de chercher à imposer un pouvoir islamiste en Libye en soutenant financièrement et militairement des acteurs comme Abdelhakim Belhadj, un ancien membre Groupe islamique combattant en Libye, et actuellement homme d’affaires et seigneur de guerre à Tripoli. Pour le moment, la démarche d’Ahmed Ouyahia semble aller dans le bon sens. Ali Sallabi a, du moins, confié récemment avoir eu une discussion fructueuse avec le responsable algérien. «Nous sommes pour la réconciliation et pour les efforts bienveillants déployés par l’Algérie et la Tunisie, et favorable à la contribution de tout pays qui travaille pour résoudre la crise libyenne, pour mettre un terme à l’effusion du sang des Libyens et parvenir à la stabilité», a-t-il déclaré à la presse. L’islamiste libyen a ajouté que «l’Algérie est contre l’ingérence étrangère et pour le dialogue libyen-libyen et la stabilité du pays, parce que la stabilité de la Libye est indispensable à la stabilité de la région». Et de souligner : «L’Algérie observe une stricte neutralité avec tout le monde ainsi que dans ses relations avec toutes les parties.» Il a indiqué, en outre, avoir fait part à Ahmed Ouyahia de son souhait que «le dialogue et le dossier de la réconciliation ne sortent pas des mains de l’Algérie et la Tunisie, sans exclure l’Egypte si elle peut apporter quelque chose». Ali Sallabi ne dira cependant rien sur le contenu de ses discussions avec Ahmed Ouyahia.
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El Watan