La carte de la finance islamique

Pour la première fois, le gouvernement participe activement au développement des produits financiers et bancaires non rémunérés ; une ultime tentative de bancariser l’économie informelle, de surcroît illégale. L’Exécutif fait montre d’un intérêt sans précédent pour la finance islamique. Le ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, a levé hier un bout du voile sur les nouvelles offres concoctées par le gouvernement au bénéfice des détenteurs de capitaux en circulation dans les réseaux informels. D’après le ministre, un emprunt obligataire sans intérêt devrait être lancé entre fin avril et mai 2017, à l’heure où la communauté bancaire est mise au défi de proposer des produits non rémunérés susceptibles de capter une partie des montants non bancarisés pour des considérations plutôt religieuses. «Nous sommes en train d’étudier un projet de lancement d’un nouvel emprunt obligataire pour cette année, mais sans intérêt», a déclaré le ministre des Finances, en marge d’une séance plénière du Conseil de la nation consacré au texte de loi de règlement budgétaire 2014. Selon le ministre, la durée de cet emprunt obligataire s’étalera de trois à cinq ans et les titres ne seront pas éligibles à la Bourse puisque, actuellement, les titres éligibles à cette institution sont ceux de 7, 10 et 15 ans, appelés obligations assimilables du Trésor (OAT). Hadji Baba Ammi ne souffle mot sur les détails de ce nouveau produit financier, laissant entendre qu’il serait toujours en préparation dans les «cuisines» de son ministère. Il explique que le cheminement réglementaire suppose que le projet fasse objet, d’abord, d’un examen et d’une approbation du gouvernement avant d’être dévoilé et proposé aux épargnants. En plus de ce produit financier en cours d’étude, des banquiers de la place flirtent d’ores et déjà avec les concepts de la finance islamique, laissant présager la naissance de nouveaux produits bancaires sans intérêt. «Moi, je n’utiliserai pas le mot ‘‘islamique’’, mais plutôt ‘‘participatif’’. Ce sont des produits qui ne sont pas rémunérés par des intérêts, mais par les rendements des projets qui seront financés», explique Hadji Baba Ammi, précisant sur sa lancée qu’un travail est en cours au niveau des banques pour lancer ce type de produits vers la fin de l’année 2017. Ce nouveau package de produits de la finance islamique s’adresse essentiellement aux détenteurs de capitaux circulant hors du canal bancaire. La fin justifie les moyens Pour la première fois, le gouvernement participe activement au développement des produits financiers et bancaires non rémunérés ; une ultime tentative de bancariser l’économie informelle, de surcroît illégale. Dans ce contexte de tarissement de l’épargne publique, banques et institutions financières se parent de leurs habits conformes aux préceptes de la finance islamique pour faire revenir dans le canal formel une partie de la monnaie fiduciaire en circulation dans les réseaux invisibles de l’économie. Après l’échec des deux précédentes opérations, à savoir l’emprunt obligataire et l’opération de mise en conformité fiscale volontaire, l’Exécutif mise désormais sur les produits dits de finance islamique pour faire revenir au bon chemin nombre de «brebis égarées». Pour un gouvernement qui se fixe l’objectif de capter l’essentiel de la monnaie fiduciaire des circuits informels, la fin justifie les moyens, mais préfère y aller avec le dos de la cuillère plutôt que d’avoir la main leste. La valeur de la monnaie fiduciaire circulant en dehors du canal bancaire est estimée à environ 1700 milliards de dinars, selon les calculs du précédent ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, se basant sur des données de la Banque d’Algérie relatives à la valeur de la monnaie produite et celle en circulation dans le canal bancaire. D’autres l’évaluent à 3500, voire 3700 milliards de dinars, impliquant dans les calculs plusieurs variables liées notamment à la taille de l’économie souterraine. Désormais, le gouvernement a bien l’intention de bousculer les limites de la finance conventionnelle pour augmenter les volumes des dépôts bancaires. La finance islamique en est le nouvel instrument. Elle représentait jusqu’ici à peine 2% des flux bancaires dans le pays, correspondant à une valeur de 200 milliards de dinars seulement. Bien que plusieurs banques de la place proposent déjà des produits non rémunérés, les clients ne se bousculent pas pour autant au portillon. Une chose est sûre, les produits bancaires rémunérés ne sont pas les seuls à justifier la sensibilité de certains détenteurs de capitaux à la transparence bancaire et fiscale. Reste à savoir si la banque d’Algérie va-t-elle réguler la finance islamique de la même manière et selon les mêmes critères prudentiels exigés aux autres banques.

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