La Mecque des révolutionnaires se met en mode nostalgie

Les conférenciers ont passé en revue les actes et impacts de la Révolution algérienne sur les mouvements de libération de pays d’Afrique. Alger, anciennement Mecque des révolutionnaires, prise d’accès de nostalgie. La contribution de l’Algérie à la décolonisation en Afrique a fait l’objet, hier à l’hôtel El Aurassi, d’un décryptage minutieux lors d’un colloque international organisé par le ministère des Affaires étrangères. Devant un parterre d’invités de marque, d’éminentes personnalités nationales et africaines, les représentants du gouvernement et du corps diplomatique accrédité, des universitaires, les nombreux conférenciers venus notamment des profondeurs du continent noir, ont passé en revue les actes et impacts de la Révolution algérienne sur les mouvements de libération d’Afrique. Non sans charrier des flots d’émotions à l’évocation des grands noms de révolutionnaires passés par Alger — Mandela, Cabral, Mobuto, Desmond Tutu…. Dans son allocution d’ouverture, Ramtane Lamamra, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a pris soin de rappeler l’engagement entier de l’Algérie au côté des mouvements d’indépendance en Afrique dont «l’Algérie a été, selon ses propres mots, le cœur battant pour ces incessantes caravanes de militants de la liberté qui y ont trouvé asile, soutien et source d’inspiration». Ameur Rekhila, enseignant à l’université d’Alger, a épilogué sur la dimension africaine de la Révolution algérienne et son importance dans les discours et textes fondateurs. De la conférence de Bandung (1955) à la Charte d’Alger (1964) et autres, Rekhila survolera bien des haltes et événements historiques  pour en tirer cette «dimension africaine» consubstantielle au combat libérateur des Algériens. De haute facture, l’intervention du professeur sud-africain Haroon Erasheed Aziz, chercheur à l’université de Pretoria, a fait étalage de ce qu’il nomme «transfert de conscience révolutionnaire» de la Révolution algérienne aux mouvements anti-apartheid. «C’est le docteur Chawki Mostefai qui a inoculé cette conscience révolutionnaire à Nelson Mandela», témoigne-t-il. Le héros intemporel des luttes anti-apartheid a développé, explique-t-il, sa conscience au contact des militants indépendantistes algériens qu’il avait rencontrés lors de son séjour dans les bases de l’ALN au Maroc. Madiba et, par delà, les groupes de militants de l’ANC, formés et entraînés par l’ALN, ont acquis des enseignements capitaux, dont le bon usage du concept de la lutte politique en parallèle à la guérilla et la planification de l’effort militaire. Dans ses mémoires, souligne le chercheur, Mandela cite quatre fois le Dr Mostefai et notamment ses recommandations en rapport au bon usage de l’opinion publique internationale qui «vaut son pesant de flotte de combat», ou l’impératif de libération des forces politiques et économiques préalables au succès de toute lutte de libération. HaroonErasheed a par ailleurs réservé un long chapitre à Frantz Fanon, dont les Damnés de la Terre, l’œuvre, a forgé la conscience noire. «Les Damnés de la Terre a été la bible, le Coran des combattants de l’ANC.» L’influence de Fanon sur Steve Biko, autre grande figure de la lutte anti-apartheid, est mise en évidence par le chercheur universitaire. «Dans la foulée de la Révolution algérienne, en plus du Maroc et de la Tunisie, 17 pays africains ont pu accéder à l’indépendance. Aujourd’hui, il s’agit de décoloniser l’esprit des Africains.» Paolo Lara, fils de Lucio Lara,  un des leaders du Mouvement populaire de libération  de l’Angola (MPLA), Irene Neto, la fille d’Agostino Neto, l’épouse de ce dernier sont également intervenus chacun pour évoquer «l’aide décisive  et la solidarité militante»  de l’Algérie pour l’indépendance de l’Angola, (1975) rappelant entre autres le séjour d’Algériens dans les maquis angolais, les livraisons d’armes, les soutiens financiers et diplomatiques… «La Kabylie, dixit Paola Lara, à elle seule a fait un don de plus de 5 millions de francs à l’Angola.» Abdelhakim Abdenasser, fils du président et charismatique leader des nationalistes égyptiens Djamel Abdenasser, a fait une brève rétrospective des apports mutuels entre les deux Révolutions algérienne et égyptienne. «La Révolution algérienne est une page glorieuse de la révolution égyptienne ; de même, la révolution égyptienne est une page glorieuse de la Révolution algérienne», rappelant l’agression de Port Saïd, l’engagement militaire dans les  guerres arabes, etc. «L’Afrique, telle qu’on la voit aujourd’hui ressemble-t-elle à cette Afrique rêvée par les pères fondateurs ? Il est évident que la réponse est non», déplore le conférencier. «Le colonialisme d’aujourd’hui est plus pernicieux, dit-il, plus dangereux. Il a changé de visage. Le colonialisme s’exerce désormais par procuration via notamment des minorités qui captent les ressources du pays et jouent le rôle de nouveaux colons.» «Je suis ici en tant que combattant de la liberté», déclare d’emblée Hon Al-Hajj Kiranda, ancien ministre ougandais, qui a évoqué, avec passion, l’épopée des libérations africaines. «Ce n’est pas de l’histoire, c’est de la contemporanéité», dit-il. Kiranda a égréné son chapelet de souvenirs depuis l’époque où il était étudiant en Inde, à la fin des années 1950, et l’écho bruyant qui lui parvenait des luttes des peuples d’Afrique du Nord pour leur émancipation et la renaissance de leur Etat-nation. «L’Algérie, termine-t-il, a lutté pour faire partie de l’histoire, comme elle a lutté pour faire partie  du présent.»  

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