Crise économique : le gouvernement face au défi des acteurs de l’informel

Face à la crise qui pèse sur l’Algérie, le gouvernement compte mettre en œuvre un « nouveau modèle de croissance économique ». Entériné par le dernier Conseil des ministres, il vise notamment à améliorer les recouvrements de la fiscalité ordinaire (hors-hydrocarbures) dans un contexte de persistance de la faiblesse des cours du pétrole. Objectif affiché : la fiscalité ordinaire doit couvrir, à l’horizon 2019, « les dépenses de fonctionnement ainsi que les dépenses incompressibles d’équipements publics », selon le communiqué du Conseil des ministres.

Un plan trop ambitieux ?

Plus encore, le nouveau plan mènerait à « une réduction sensible du déficit du Trésor », qui devrait atteindre près de 30 milliards de dollars cette année. Le gouvernement compte également sur l’emprunt obligataire lancé en avril dernier pour une « mobilisation de ressources additionnelles sur le marché financier local », indique le communiqué.

Cette initiative a permis de lever, à ce jour, un montant de 461 milliards de dinars, selon les chiffres communiqués par le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Avec les engagements pris par le Forum des chefs d’entreprises (FCE), l’on devrait atteindre plus de 600 milliards de dinars, selon la même source.

C’est insuffisant. Mais pas seulement : cet emprunt obligataire visait d’abord à récupérer les fonds qui circulent dans la sphère de l’économie informelle. Sur ce point crucial, c’est pour l’instant un échec cuisant.

| LIRE AUSSI : Le FCE et l’emprunt obligataire : entre mobilisation et politisation

Les acteurs de l’informel ne jouent pas le jeu

L’État veut donc aller cherche là où il se trouve. Du côté de l’économie « officielle », les rares entreprises qui travaillent légalement sont déjà asphyxiées par une fiscalité et des procédures bureaucratiques jugées lourdes. Il reste donc le secteur de l’informel.

Or, ces acteurs économiques ne jouent pas le jeu. On l’a vu avec la première tentative du gouvernement, à travers la mise en place d’une sorte d’amnistie fiscale, appelée « mise en conformité fiscale volontaire ». Cette procédure, officiellement en cours jusqu’à la fin de l’année, est d’ores et déjà enterrée.

| LIRE AUSSI : Amnistie fiscale et lutte contre l’informel : un flop programmé

Vient ensuite l’emprunt obligataire. Même avec la garantie de l’État, des modalités particulièrement avantageuses au vu de ce qu’offre le marché financier algérien (5% de rémunération), les détenteurs de fonds non-déclarés ne se manifestent pas, ou très peu. En réalité, selon nos informations, cet emprunt a mobilisé de l’argent déjà bancarisé et a immobilisé une part importante des liquidités des entreprises. C’est autant d’argent en moins à investir dans l’expansion de leurs activités.

Pire : pendant ce temps, l’économie informelle continue à vampiriser les fonds « propres », c’est-à-dire issus de l’économie officielle. En effet, à travers les salaires et la consommation des ménages, une partie de cet argent finit dans la sphère informelle. Sauf que cet argent ne revient que très peu, faute de dispositifs pour capter ces fonds.

En dehors de l’achat de quelques produits souvent subventionnés, de carburant, les factures d’électricité et de gaz, ou d’achat de crédit auprès des opérateurs de téléphonie mobile, l’essentiel de l’activité est réalisé en dehors de la sphère formelle. En fait, cet argent de l’informel ne revient pas, il finit même par sortir du pays : le marché parallèle de la devise est une porte pour la fuite des capitaux.

| LIRE AUSSI : Comment le gouvernement encourage quotidiennement l’économie informelle

Une solution radicale : changer la monnaie

Aux grands maux les grands moyens. Il reste une dernière solution entre les mains du gouvernement. En plus de renforcer les contrôles, les sanctions et effets dissuasifs à l’encontre des acteurs de l’informel, l’État peut décider de carrément changer la monnaie du pays, ou d’émettre de nouveaux billets de banques en remplaçant les anciens.

En parallèle, pour qu’une telle politique porte ses fruits, le gouvernement devra asphyxier le marché noir de la devise en renforçant strictement les contrôles, notamment aux frontières mais surtout à l’intérieur même du pays. Le but est d’éviter toute velléité de changer ces sommes dormantes en devises puis de le rechanger, le cas échéant, en « nouveau dinar ».

Dans le même temps, le gouvernement profiterait de ce changement pour mettre en place des moyens de paiements (chèque, carte bancaire…) obligatoires à partir d’un certain seuil. Ceci permettrait d’éviter que la monnaie continue de circuler en dehors du circuit officiel.

Une solution radicale, certes périlleuse sur le plan social, qui nécessiterait une volonté et un courage politiques à toute épreuve, une préparation minutieuse et coordonnée entre les différents services concernés (police, douanes, Banque d’Algérie, ministère des Finances…). Mais elle semble aujourd’hui être la seule alternative qui s’offre au gouvernement pour éviter la faillite.

Cet article Crise économique : le gouvernement face au défi des acteurs de l’informel est apparu en premier sur TSA Algérie.



Admin

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne