Pourquoi Marine Le Pen a été mal reçue au Québec

Ancienne étudiante à l’université canadienne de McGill, Franseza Pardoe collabore avec TSA. Dans cet article, elle explique pourquoi Marine Le Pen a été froidement accueillie au Canada et les différences entre ce pays et la France.

Marine Le Pen n’oubliera sans doute pas ce mois de mars 2016. En visite de 6 jours au Québec, la leader du FN (extrême-droite française) s’est vue réserver un accueil des moins chaleureux auprès d’une population francophone en qui elle aurait aimé trouver du soutien. Non seulement boudée par la classe politique québécoise et canadienne, où aucun élu n’a accepté de la recevoir, la présidente du Front national s’est également retrouvée la cible de manifestants antifascistes. Elle a même vu ses réservations d’hôtel annulées.

La représentante du parti français d’extrême-droite est en effet peu populaire auprès des Québécois, qui n’apprécieraient pas qu’on vienne leur donner des leçons, comme l’a souligné la journaliste Anne-Marie Dussault de Radio-Canadaau cours d’un des seuls entretiens accordés à Marine Le Pen lors de sa visite printanière.

Une question se pose donc : pourquoi le Front national ne trouve t-il pas d’équivalent marquant au Canada ? Qu’est-ce qui explique que l’extrême-droite ait du mal à percer dans la Belle-Province, alors qu’elle subit des avancées significatives dans de nombreux pays d’Europe ?

Une grande partie de la réponse se situe sûrement dans le fait que l’héritage historique propre aux deux pays est loin d’être le même. Le Canada, pays construit suite à de multiples vagues migratoires a , à l’inverse de la France, comme principe fondateur le multiculturalisme. Intégrer différentes communautés et les asseoir sur un même pied d’égalité fait donc partie intégrante des lois régissant la province du Québec, ainsi que le reste du pays, incarnées notamment par les chartes québécoise et canadienne des droits et des libertés.

Qui plus est, de part sa démographie et sa superficie, le Canada est un pays qui a beaucoup plus besoin de l’immigration que la France et qui est donc quelque peu plus accommodant que cette dernière dans ses politiques migratoires. En effet, alors que l’immigration la plus importante en France est le résultat d’une politique de regroupement familial, celle qui prédomine au Canada est plutôt l’immigration économique.

Chaque année, le Canada ouvre ses portes à un nombre plafonné de migrants, dont un quota particulier est réservé aux réfugiés. La France quant à elle, ne nécessite pas autant l’immigration et ses capacités d’accueil sont beaucoup plus limitées, ce qui explique pourquoi la majorité des titres de séjour accordés sont avant tout pour des raisons familiales, et pourquoi le sujet de l’immigration fait beaucoup plus débat au sein de la classe politique française, qu’au sein de son homologue canadienne.

Enfin, contrairement à la France,  le Canada ne connaît pas de laïcité constitutionnalisée, bien que la séparation de l’État et des Églises soit un principe inscrit dans la jurisprudence du pays depuis le XVIIIème  siècle. À défaut d’une loi de 1905, à la française (encadrant les principes de laïcité, NDLR), le Canada applique une « neutralité d’État », où aucune religion n’est mise en avant ou défavorisée par rapport à une autre, et qui est sujette à des pratiques « d’accommodements raisonnables ».

Ainsi, le port de signes religieux tels que le hijab, la kippa ou la croix est autorisé et s’inscrit dans une tradition « d’accommodement » où, pour favoriser l’intégration et promouvoir une certaine notion d’égalité, toute personne présente au Canada (résidente ou non) a le droit d’exercer ses libertés d’expression et de religion, sans entraver la loi.

Les débats sur lesquels surfe et se nourrit le FN, tels que l’immigration ou la laïcité, bien que présents dans une certaine mesure dans l’espace public canadien, ne font pas autant polémiques au Canada qu’en France, et donc permettent moins à un parti d’extrême-droite d’émerger et de se populariser au sein de l’électorat.

L’accueil froid réservé à Marine Le Pen lors de son passage dans la Belle-Province s’explique donc par le manque de résonance et de légitimité des discours de son parti, qui ne trouve pas, ou très peu, d’écho dans la société canadienne.

Avec l’élection d’un nouveau Premier ministre en octobre dernier, aux politiques migratoires plus souples et moins conservatrices que celui qui l’avait précédé, tout porte à croire que demain n’est pas la veille où le FN se « dédiaboliserait » outre-Atlantique.

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