« Ça fait 15 ans que j’exerce ce métier. Je n’ai jamais assisté à une telle volatilité ». Depuis quelques jours, Madjid, cambiste clandestin, ne sait plus à quel taux vendre ses euros. « En une semaine, l’euro est passé de 192 dinars à 182 hier samedi. Celui qui a acheté 100.000 euros a déjà théoriquement perdu un million de dinars en une semaine ! C’est énorme. Habituellement, quand on achète 100.000 euros, on revend avec des gains de 30.000 euros environ », explique-t-il.
À cette volatilité s’ajoute une absence d’acheteurs. Ce dimanche, au Square Port Saïd d’Alger, l’euro est proposé à 183 dinars. « Mais il n’y a pas d’acheteurs », confirme un cambiste sur place, joint au téléphone.
Plusieurs raisons expliquent cette situation inédite. La volatilité a refroidi les revendeurs. Ces derniers achètent des quantités moins importantes, de crainte de subir de fortes pertes en cas de poursuite de la baisse de la monnaie unique européenne.
En effet, la perspective d’une poursuite de la baisse n’est pas à exclure. Les acheteurs traditionnels, notamment les importateurs et les barons de l’informel ont moins de dinars. « Aujourd’hui, un importateur met beaucoup plus de temps à écouler sa marchandise. Le pouvoir d’achat des Algériens a fortement baissé. Les gens achètent moins, du coup les importateurs importent moins de produits et sollicitent donc moins de devises, ce qui explique le ralentissement de la demande », explique Madjid.
Autre explication : les derniers mois de 2015 et le début 2016 ont été marqués par des achats massifs qui ont propulsé l’euro à des sommets historiques (192 dinars). Ces achats seraient l’oeuvre de barons de l’informel qui souhaitaient mettre leur fortune à l’abri dans un contexte de rumeurs sur des changements de billets de banque ou d’une initiative du pouvoir pour lutter sérieusement contre l’évasion fiscale. Aujourd’hui, ces acheteurs ne sont plus sur le marché.
Enfin, la cherté de l’euro dissuade les touristes algériens. Ceux qui voyageaient régulièrement ont réduit la fréquence de leurs départs à l’étranger. L’euro a presque doublé sur le marché parallèle en un an. Les vacances deviennent de plus en plus chères.
Par ailleurs, des rumeurs sur l’arrestation d’un contrebandier à la frontière tunisienne avec en sa possession une importante somme en devise qui devait être acheminée à Dubaï a accentué le malaise sur le marché.
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