La crise de l’agriculture française

Période difficile pour François Hollande. Il était depuis plusieurs jours dans un long déplacement à l’étranger, dans le Pacifique et l’Amérique latine, lorsqu’il fut prévenu d’une grande polémique dans sa propre majorité, à la suite d’une pétition menée par Martine Aubry qui critiquait vivement sa politique « social-libérale ».

Rentré samedi de son périple diplomatique, le président français inaugurait le matin même le 53ème Salon de l’Agriculture à Paris, alors que les syndicats d’agriculteurs multiplient depuis plusieurs mois manifestations, occupations de bâtiments publics et opérations « coup de poing ».

Sifflets, huées, injures

Dans un contexte où le secteur agricole subit depuis plusieurs mois une crise d’autant plus grave que les solutions de sorties sont difficiles à trouver, l’exercice présidentiel n’était donc pas commode. Tout au long de sa visite de près de 5 heures à travers les différents stands, François Hollande a surtout entendu les plaintes, les demandes et les récriminations du monde agricole. Mais il a également subi les sifflets de nombre d’agriculteurs, voir les injures d’une petite minorité : « Fossoyeur », « Pourri », « bon à rien »… « J’entends les huées, je suis venu pour écouter les difficultés et parfois la colère des agriculteurs », a déclaré François Hollande. Mais le chef de l’État est arrivé au Salon avec peu de mesures nouvelles à annoncer.

Si la France reste le premier producteur agricole européen, la part de l’agriculture dans le produit intérieur brut a formidablement diminué : elle ne représente que 1,7% de l’économie française. Parallèlement, le nombre des exploitants agricoles a lui aussi fondu vertigineusement : ils ne sont guère plus de 400 000 aujourd’hui à vivre, le plus souvent difficilement, de leur exploitation agricole. Si l’on élargit à l’ensemble des emplois, y compris salariés, du secteur agricole, « la part des emplois agricoles dans l’ensemble du marché du travail est également en chute libre ces dernières décennies : alors qu’elle était de 31 % en 1955, elle est passée à 8,8 % en 1981, pour tomber à 3,3 % aujourd’hui », note Jérémie Lamothe, du Monde. Si le secteur agricole comptait plus de 6 millions d’emplois à la fin des années 1950, il n’en totalisait plus que 850 000 en 2013.

Les deux principales causes de la crise

La Communauté économique européenne est née de la « Politique agricole commune » qui fut à son origine. La PAC reposait sur un contrôle et une fixation des prix, et sur des subventions généreuses aux exploitants agricoles qui leur garantissaient un pouvoir d’achat en croissance ou au pire, maintenu. Mais la CEE est devenu l’UE, et les doctrines libérales qui dominent, ont remis en cause le contrôle des prix et surtout, ont diminué les subventions ou les ont concentrés sur des secteurs déjà fortement intégrés au secteur industriel, comme celui des céréales.

Par ailleurs, le secteur agricole a progressivement été soumis aux contraintes de deux secteurs économiques situés à son aval, l’industrie agroalimentaire et la Grande distribution. Ce sont ces deux secteurs qui ont imposé aux producteurs agricoles une très forte baisse des prix de vente de leurs produits. Une baisse qui ne se retrouve pas en proportion lors de la vente du produit transformé ou distribué au consommateur final.

L’Observatoire de la formation des prix et marges des produits alimentaires a fait le calcul en janvier 2016 : pour 100 euros dépensés dans l’alimentaire, 8,20 euros reviennent aux agriculteurs, l’industrie agroalimentaire en perçoit 13,20 euros et le commerce 19,80 euros. Les importations alimentaires représentent 14,30 euros, et les importations de biens intermédiaires, matières premières pour l’alimentation animale – engrais, pesticides, pétrole– absorbent 15,30 euros. Les taxes, elles, se chiffrent à 9,30 euros, c’est-à-dire davantage que la part qui revient aux agriculteurs.

C’est donc beaucoup de bénéfices pour les entreprises des secteurs de l’industrie agroalimentaire et la grande distribution mais en revanche un appauvrissement continu des exploitants agricoles et surtout un endettement grandissant : « pour les exploitations dirigées par un chef d’exploitation âgé de moins de 40 ans, l’endettement s’élève en moyenne à près de 200 000 euros », précise le ministère de l’Agriculture.

Quelles solutions à court terme ?

Le gouvernement souhaite revoir un dispositif adopté en 2008 pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy : la Loi de modernisation de l’économie avait déréglementé les négociations entre fournisseurs et distributeurs, au bénéfice essentiellement de la grande distribution.

Les producteurs doivent redevenir des acteurs à part entière dans le mécanisme de fixation des prix. François Hollande l’a annoncé au Salon de l’Agriculture : cette loi « sera modifiée. Je ne veux pas que ce soient les agriculteurs qui soient les victimes d’organisations qui font pression pour que les prix soient toujours les plus bas ».

Mais les rapports de force entre les trois parties (producteurs, industrie, agroalimentaire, Grande distribution) sont très inégaux au détriment des producteurs. Une révision du mécanisme de fixation des prix en France devra de surcroît recevoir l’accord tacite de l’Union européenne, bien plus libérale en matière agricole que tous les gouvernements français réunis.

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