Le DRS n’est plus. La Direction des services de sécurité (DSS) est né sur ses ruines. La Présidence de la République semble avoir atteint son objectif après une très complexe restructuration.
En Algérie, comme nulle part au monde, l’histoire du pays est intimement liée à celle de ses services de renseignement. A chaque fois que des ajustements» sont opérés sur ces services, les initiales changent et l’histoire prend un autre tournant.
Les changements au sein du DRS ont été la conséquencet d’un choc entre deux visions différentes: celle du président et celle du chef des renseignements. Parfaitement bicéphale, le système a pu fonctionner, pendant une quinzaine d’années, durant laquelle les deux protagonistes étaient sur la même longueur d’onde pour que les prérogatives de l’un ne sapent pas les intérêts de l’autre. Après une cohabitation qui a trop duré, les deux hommes entrent en conflit. L’objet de la querelle: l’omnipotence du président et sa détermination à briguer un quatrième mandat, celui de la révision de la constitution et de la neutralisation définitive du tout puissant département de sécurité qui faisait trembler les responsables rien qu’en murmurant ses initiales.
La présidence s’est rendue compte qu’il fallait contrôler les services de renseignement, les dompter, pour rendre obsolète ce système bicéphale qui imposait l’existence d’un contrepoids informel pesant lourd dans les decisions les plus importantes.
La création de la DSS: une étape capitale vers le règne sans partage ?
Après avoir isolé l’ex-chef du DRS, le général Toufik, l’enfant terrible du régime algérien qui a régné en maître durant de longues années et après l’avoir privé de l’essentiel des directions du DRS, celui-ci a été tout simplement mis à la porte. S’imposait alors la création d’un nouvel appareil de renseignement, de nouveaux services secrets taillés sur mesure pour répondre aux ordres d’un seul organe: la Présidence de la République.
La gouvernance “collégiale” est révolue. Le nouveau DSS est créé par décret non publiable et prévoit de rassembler tous les services de renseignement sous une seule bannière et sous le commandement d’un ministre d’État dont les rapports ne sont plus adressés au MDN, mais de la Présidence. À ce propos, moult interrogations s’imposent. La plus importante est celle de savoir si la Présidence projette de mettre en place un appareil grand sécuritaire alliant investigation et action au service d’une seule personne, celui du Président qui prend dorénavant le titre de personne la plus informée du pays, titre dont jouissait auparavant le chef du DRS.
Avec la naissance de ce nouveau service, les pouvoirs des services de sécurité sont plus étendus, car la DSS peut enquêter sur tout et tout le monde, à l’intérieur et l’extérieur du pays. Les renseignements recueillis peuvent servir, par exemple, à la traque d’opposants et de militants non seulement à travers les méthodes traditionnelles des services de renseignements, mais aussi par les services de police et de gendarmerie. C’est la crainte exprimée par des militants démocrates, notamment en l’absence d’un contre-pouvoir clair et précis.
La naissance de ce service contribuera, certes, à l’accélération de prise de décision en transcendant les longues tractations entre les différents pôles du pouvoir. Mais cela ne garantit nullement, selon l’avis d’observateurs avisés, l’efficacité et la pertinence des décisions prises.
La DSS sous le contrôle de qui ?
Les anciens services de renseignement, du MALG au DRS en passant par la DCSM, la SM la DGPS et la DGDS, échappaient tous à tout contrôle. Ces services agissaient dans l’ombre, au-dessus de la loi, une vraie puissance qui avait tous les droits et pas d’obligations. Organiquement, ces services ont toujours été sous la tutelle du ministère de la Défense (MDN) : une forteresse inviolable qui a de tout temps refusé de rendre des comptes à propos de ses activités, de son budget de ses dérives.
Avec la toute nouvelle DSS, la tutelle de l’armée est désormais levée sur les services de renseignement. Cette nouvelle configuration charrie des interrogations quant aux mécanismes de contrôle des activités de cet appareil. Sera-t-il contrôlé par le Parlement en auditionnant, par exemple, son premier responsable ? Une question cruciale à laquelle il faut répondre et vite, car un service de sécurité qui échappe à tout contrôle représente un danger pour le pays, surtout s’il se trouve instrumentalisé à des fins politiciennes. D’autant plus que toutes les spéculations sont permises du fait que le décret portant dissolution du DRS et création de la DSS est non-publiable dans le journal officiel.
La Présidence erefuse, en effet, de le publier, prétextant le “caractère très sensible de cette mesure”. Cette décision ne fait, malheureusement, qu’entretenir le flou et les incertitudes. Les Algériens, majeurs, ont droit et besoin de comprendre.
Massinissa M.
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