Ce n’est pas la première fois que le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) investit le terrain politique, et réaffirme son soutien au chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika. Et c’est vraiment un secret de Polichinelle que de dire que le destin des deux hommes est lié depuis que le premier a été nommé par le second au poste de chef de l’état-major suite au départ de son prédécesseur le défunt Mohamed Lamari. Gaïd Salah qui cumule depuis septembre 2013, à quelques mois de l’élection présidentielle d’avril 2014, les fonctions de vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, ne rate aucune occasion pour afficher son soutien indéfectible au locataire du palais d’El Mouradia. Avant-hier à Alger, il a réitéré l’«engagement de l’armée à mener amplement ses missions constitutionnelles et nationales». Quoi de plus normal en fait ? Gaïd Salah le rappelle quand même en saluant «en premier lieu, la démarche de Son Excellence le président de la République», à travers la révision de la Constitution qu’il considère «à juste titre comme le pivot dans le renforcement du processus démocratique de notre pays et de la vision d’avenir visant à consolider les fondements de l’unité nationale». L’intervention du chef d’état-major est faite à dessein. Le régime mis en place par Abdelaziz Bouteflika, sérieusement mis en difficulté par l’amenuisement de la rente pétrolière et par la maladie du Président, a tellement besoin d’étaler ses atouts qu’il accorde peu de soucis aux formes. Un responsable de l’armée a-t-il donc le droit de commenter le bilan de l’Exécutif ? Aucune loi ne l’y autorise. Le chef d’état-major le fait tout de même en plaçant l’institution militaire dans le débat politique et économique. «Les intérêts personnels ne peuvent en aucun cas être un prétexte pour omettre ce qui a été réalisé dans notre pays comme acquis durant les dernières années, ce qui est une réalité concrète que personne ne peut nier», soutient le vice-ministre de la Défense qui commente le bilan de Bouteflika en citant notamment «les réalisations dans le secteur de l’habitat ainsi que dans d’autres secteurs, et qui constituent de véritables aspects de développement, dont nous sommes convaincus que les générations futures sont conscientes de leur dimension». Le message est on ne peut plus clair. Le contexte politique délétère dans lequel interviennent et la révision de la Constitution et la signature de la loi de finances 2016 très contestée par de larges pans de l’opposition a appelé encore une fois l’intervention du vice-ministre de la Défense pour apporter le soutien à un Exécutif en difficulté et signifier à qui veut l’entendre que le pouvoir politico-militaire est bien décidé à mener à terme ses propres projets, et surtout conduire comme bon lui semble sa propre régénération. L’Algérie est, en fait, l’un des rares pays au monde où les responsables de l’armée s’immiscent encore dans la chose politique. Même dans les contrées où les militaires demeurent encore les maîtres du jeu politique, l’on sauve toujours les formes. Personne n’ignore, aujourd’hui, le rôle qu’est devenu celui de l’armée dans le destin national, mais l’impliquer de la sorte sur la scène politique et en faire un outil de pouvoir en place et lieu d’une institution garante des lois de la République, c’est l’exposer forcément aux quatre vents. Si l’armée a ses missions constitutionnelles, que le projet de révision constitutionnelle n’a d’ailleurs pas modifiées, c’est pour s’y tenir à la lettre. Et c’est ce que les soldats de l’ANP accomplissent avec beaucoup de sacrifices et d’engagement. A-t-on besoin d’impliquer l’institution militaire dans un rôle qui n’est pas le sien ? De larges pans de la société en disconviendraient. L’intervention, jeudi dernier, de Gaïd Salah vient en fait rappeler la polémique née de la lettre qu’il avait adressée au secrétaire général du FLN, Amar Saadani, dans laquelle il le félicitait pour sa reconduction à la tête de l’ex-parti unique.
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El Watan