Ce qui devait être un reportage autour de la vie des gens du sud pendant le ramadan et en confrontation avec la hausse vertigineuse des température qui a atteint les pics des 50° et plus dans la région s’est vite focalisé sur le bouleversements sociaux qui ont changé l’attitude des gens devant la donne climatique d’une part, l’appauvrissement des couches rurales et suburbaines de la société et l’émergence de minorités ethniques et religieuses qui supportent plus la canicule que l’attitude des gens. Même si un réaménagement des horaires est tacitement observé pendant les mois de canicule, on constate au moins trois faits marquants. Le premier est que la ville ne se vide pas de ses habitants, qui sont nombreux à rester jusqu’au mois d’aout pour partir en vacances, que l’administration continue à assurer un minimum de présence malgré la nonchalance habituelle des algériens, y compris ceux du sud, qui invoquent les situations atténuantes de la canicule pour justifier la tendance et l’installation, en force, de nouvelles communautés étrangères dans le tissu urbain de Ouargla. Ce sont des données qui font que la question des horaires de travail estivaux et pendant le ramadan prennent une tournure différente. On se plaint moins de la canicule C’est donc la double imposition d’une rigoureuse saison estivale caractérisée par une chaleur de géhenne, disons-le, avec un mois de jeune qui secoue les habitudes des gens. Mais la vie s’arrête-elle pour autant ? Que nenni, les gens continuent à sortir, à s’approvisionner et alimenter les discussions autour de la canicule. Oubliée la verve des années précédentes, celle qui consistait à exiger des autorités des mesures spéciales pour les régions sud, du genre horaires spécifiques, primes voire congés augmentés. Et pour cause : les conditions matérielles se sont améliorées ces deux dernières années. « Nous observons moins de pannes d’électricité, moins de coupures d’eau et ma foi, ce confort nous rend moins grincheux » explique Tahar. « Il est vrai que Sonelgaz fait moins parler d’elle cette année, le début d’été a été plutôt clément et que nous n’avons commencé à ressentir la vraie chaleur, celle qui peut indisposer les plus vulnérable, que depuis 4 à 5 jours » commente Ammi Salah un retraité du quartier. Les seules à se plaindre sont les femmes et encore « nos menus sont moins compliqués, nous privilégions les boissons glacées, les salades et les desserts » explique Hanane qui ne passe plus des heures devant ses fourneaux et attendait patiemment la livraison de brioches chez l’épicier du coin. La souffrance des plus démunis Les urbains râlent moins, l’ambiance est sereine. Mais tel n’est pas le cas à Sokra ou Halim a trois climatiseurs qu’il n’arrive pas à faire fonctionner. « Je suis furieux, le courant est si faible que je n’arrive même pas à brancher un seul climatiseur, je passe un ramadan infernal et ma famille souffre beaucoup ». Certains tronçons de ce quartier populaire tentaculaire situé dans la zone tampon entre les communes de Ouargla et Rouissat n’arrive pas à trouver le chemin de l’apaisement. De plaintes en blocages de route, « il y a de quoi exaspérer les plus patients » réplique Kaddour. A l’origine du problème, l’inexistence d’un emplacement pour installer un poste transformateur supplémentaire pour répondre à la demande. C’est un problèmes récurrent à Ouargla ou certains quartiers dépourvus d’assiettes foncières domaniales peine à offrir aux services techniques la possibilité de doter les citoyens d’un confort nécessaire en été au moment ou des propriétaires de parcelles refusent de céder le moindre mètre carré à la communauté. Le calvaire est décuplé pour les moins nantis, ceux habitant des garages à Boughoufala, Ziaina, Debbiche ou Oglat Larbaa. Ceux-là, « ils ont dieu et nos prières ca personne ne peut imaginer qu’il existe des familles qui ne peuvent pas se prémunir du soleil parce que leur toit s’est effondré ou que leur maison en ruine ne peut pas accueillir un climatiseur, certains n’ont même pas d’électricité et d’eau » constate Yamina Gharbi, présidente de l’association Frahat Yatim qui sillonne la ville à la recherche de personnes à aider. « mais à quoi peut servir un couffin du ramadan ou un habit de l’aïd devant tant de pauvreté, d’ignorance de ses propres droits quand on est handicapé ou démuni et qu’on ne sait même pas que l’état a prévu des aides et des formules d’insertion ». Yamina Gharbi est amère, « beaucoup d’efforts sont consentis mais il faut encore plus d’équipes et de volontaire pour sonder les fin fonds de nos villes et villages, les conditions de vie de certaines familles sont indignes de l’Algérie ». Minorités visibles La polémique autour de la non-observance, voire le non-respect du jeune durant le ramadan par les ouvriers espagnols sur le chantier du tramway de Ouargla a enflé sur la toile donnant lieu à un nouvel exemple de non-tolérance vis-à-vis des gens différents, des minorités cubaines, chinoise, coréenne et à présent espagnole dans une société soit disant musulmanes. Si ces minorités existent depuis longtemps dans les zones pétrolières voisines, vivant en autarcie dans des bases de vie luxueuses loin de la population, de nouvelles communautés s’installent dans la ville et deviennent de plus en plus visibles. Elles sont réellement impliquées dans la vie quotidienne depuis que la modernisation de cette ville saharienne a été mise sur les rails par des projets structurants qui bouleverseront à terme son visage et qui semblent bousculer, dés à présent, les idées, les préjugés et une certaine intolérance qui se manifeste par rapport à des personnes apportant une technicité et un savoir-faire mais aussi un comportement et une façon d’être différente. Ne pas sortir aux heures les plus chaudes de la journée est un luxe que ne peut pas se permettre les entreprises travaillant sur des grands projets comme la voie ferrée et le tramway et il faut savoir que les ouvriers étrangers sont ceux qui passent le plus d’heures au travail durant la journée. Leur situation de travailleurs dans des conditions climatiques aussi extrêmes, leur statut de non musulmans les pousse à user de leur droit légitime de non-jeuneurs à consommer de l’eau et fumer sur leur lieur de travail. Un comportement qui semble choquer une certaine frange de nos concitoyens qui leur décline ce droit allant jusqu’à leur demander de pratiquer le jeune au moins en public. Les ouvriers croisés lundi sur le chantier du centre de maintenance du tramway de Ouargla, lors de la visite du ministre du transport au chantier n’ont pas souhaité s’exprimer sur ce sujet. Hamid, un ingénieur algérien nous a expliqué que « le système de rotation permet aux algériens de travailler de 4h à 11h alors que les étrangers commencent à 5h pour quitter les lieux à 14h, une troisième brigade s’acquitte quant à elle des travaux de coulage de béton et autres travaux nécessitant des conditions climatiques plus climatiques dont nocturnes ». Les ouvriers espagnols ont témoigné d’une discrétion exemplaire en se désaltérant loin des yeux alors que les températures dépassaient les 50°C à partir de 13h. Les réactions sont presque unanimes chez les personnes sondées, la « tolérance est de mise », « montrer de la bienveillance aux étrangers, aux non-musulmans loin des leurs en ce mois de piété, « accepter la différence et l’expression de la foi d’autrui », « profiter de la présence des étrangers pour développer un savoir-vivre ». Les supportent visiblement plus la canicule que l’intolérance.
Tags:
El Watan