Promise au foisonnement créatif, la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe » s’illustre plutôt et avant même le lever de rideau, par des scandales à répétition. Aux vigoureuses dénonciations d’actes de détournements de deniers alloués à l’évènement, proférées par la chargée de communication démissionnaire, s’ajoutent les cris d’orfraie poussés par les observateurs quant à l’état d’impréparation de la ville.
Mais ces bisbilles et polémiques, somme toute marginales, ne sauraient éluder le débat de fond, celui sur la pertinence de cette manifestation budgétivore et la récurrence de son organisation par notre pays. Déjà tenue sous le label algérois en 2007, voila qu’elle nous revient, après seulement huit petites années, sous celui de l’antique Cirta.
Cet acharnement trouve son explication dans l’orientation identitaire et culturelle donnée à la jeune nation algérienne par le régime issu du coup de force perpétré par le clan d’Oujda, au lendemain de l’indépendance. Cette orientation exclusive, consacrant l’arabo-islamisme comme fondement unique et sacralisé, s’est faite par la négation pure et simple de la dimension amazighe. « Nous sommes des Arabes, nous sommes des Arabes, nous sommes des Arabes », s’était exclamé Ahmed Ben Bella le 14 avril 1962 à l’aéroport de Tunis, donnant le la à une véritable politique d’apartheid.
Dès lors, handicapée, la société algérienne allait clopiner, plombant le processus d’édification d’une nation libre et émancipée. Car, faut-il le rappeler, une nation repose sur la volonté tacite de vivre ensemble, de partager des institutions communes et de se doter de normes consensuelles pour la vie en communauté. Or, le déni identitaire dont ont été victimes les Amazighs n’a pu permettre la cristallisation de ce vivre-ensemble et partant, d’une nation intégrée.
Un demi-siècle après, le problème reste entier. L’on se rend compte que l’identité ne se décrète pas et qu’elle se construit à partir de plusieurs influences et apports. Le fait d’imposer une référence culturelle à un individu ou bien à un groupe social, pour des raisons politiques, constitue une pratique porteuse non seulement de violations des droits de l’Homme, mais aussi et surtout de graves menaces pour la paix et la cohésion sociale.
Cette instrumentation de l’identité, qui ne vise que la conquête et le partage du pouvoir, instaure des logiques d’intolérance qui, progressivement, sèment les graines de la haine, de la division et du bellicisme. Dans ce contexte, le drame de Ghardaïa ne doit pas être passé par pertes et profits. Il doit servir de révélateur des effets pervers de la politique du régime et en tirer des leçons vitales pour l’avenir.
Et la première de ces leçons est le nécessaire combat contre toutes les formes de stratégies de conquête et de conservation du pouvoir politique basées sur l’instrumentation des valeurs socioculturelles et des discours prônant les exclusivismes. Il y va de la réalisation du rêve des hommes et des femmes qui ont sacrifié ce qu’ils ont de plus précieux pour une Algérie plurielle, unie et prospère.
Rachid Ikhenoussène