«L’empreinte du patronat est dans chacune des pages du projet de code du travail»

Ancien cadre du syndicat des pétroliers, Noureddine Bouderba présente le projet de loi portant code du travail comme une grave menace sur les droits syndicaux et la protection de l’emploi. - Après l’adoption controversée de la loi sur la retraite, les travailleurs devront affronter un autre projet de loi portant code du travail et qui, selon les syndicats, est un costume fait sur mesure pour le patronat. Est-ce le cas ? L’empreinte du patronat est dans chacune des pages de ce projet de loi et elle est devenue plus flagrante avec la mouture de 2015. Pourtant, tous les experts du FMI et de l’ONS ont montré que la réglementation n’a jamais été un obstacle au développement et que c’est l’environnement, la corruption et la bureaucratie qui sont responsables des blocages. Il faut savoir que la réforme du code du travail a été proposée lors de la tripartite de 2005, dans le but de l’adapter aux nouvelles orientations économiques. En 2014, il y a eu une première mouture, où il y a eu l’introduction  de ce concept libéral de flexibilité du travail dans ses trois formes. D’abord l’emploi, avec la généralisation des contrats de travail précaires, comme le recours au CDD (contrat à durée déterminée), renouvelé trois fois seulement, sans en préciser la durée avec une période d’essai d’un an, alors qu’ailleurs, y compris chez les pays voisins, elle est d’un mois seulement. Plus grave, en cas de licenciement abusif, le dédommagement arraché par voie judiciaire ne peut excéder le montant des salaires de la période restante du contrat, même si le concerné était un permanent. En outre, les détenteurs de contrats à durée déterminée n’ont pas le droit de saisir la justice à la fin de la relation de travail, pour demander une requalification du contrat. Plus grave encore, cette flexibilité de l’emploi élargit la liste des fautes passibles de licenciements, renforce le pouvoir disciplinaire de l’employeur, légalise le licenciement individuel sans qu’il y ait faute disciplinaire et minimise de façon remarquable la négociation avec le partenaire social. Plus grave, même dans le cas où l’employé obtient sa réintégration par voie de justice, après un licenciement abusif, il ne peut reprendre son poste, si son employeur s’y oppose. Il se contentera d’un dédommagement symbolique. La deuxième forme de flexibilité est liée au travail. L’aménagement des horaires de travail, défini par une négociation collective,  relève du pouvoir de l’employeur qui fixe aussi la durée et la période des congés, les jours de repos hebdomadaires, le congé de maternité, etc. Le projet de code redéfinit la notion de travail de nuit, pour permettre aux patrons de faire travailler leurs employés, les femmes et même les enfants mineurs et supprimer de fait les majorations de paiement du travail de nuit. La nouvelle loi donne à l’employeur le droit de fixer, de manière unilatérale,  la listes des postes de travail qui connaîtront une augmentation de la durée hebdomadaire de travail et le volume d’heures supplémentaires travaillées mais non payées. Bannis de notre réglementation, le travail des mineurs  et l’affectation des femmes et des mineurs à des travaux dangereux seront désormais permis. La troisième flexibilité est salariale. Il s’agit d’une redéfinition du SNMG (salaire national minimum garanti) qui désormais prend en compte toutes les primes et indemnités liées à la productivité et au résultat. Vous savez que depuis 2015, toutes les primes liées aux conditions de travail ont été intégrées au  SNMG et suscité une régression de 20 à 30% des salaires. - N’est-ce pas une régression totale en matière de protection de l’emploi ? Vous avez entièrement raison. Avec ce projet de loi, c’est la protection du travailleur qui disparaît au profit de celle du patronat. Les flexibilités que j’ai évoquées vont mettre les employés dans une situation de précarité aussi dangereuse qu’inquiétante. Considérés comme les emplois les plus précaires et les plus fragiles, le travail temporaire et celui de sous-traitance sont instaurés sans aucun encadrement légal, la période d’essai maximale pour les contrats à durée déterminée est limitée à une année, au cours de laquelle le concerné peut être mis au chômage de façon unilatérale sans aucune raison ou argumentation. Pis,  les missions de  contrôle et de poursuite de l’inspection du travail ont été minimisées et leur pouvoir amoindri, ainsi que l’exercice du droit syndical et le recours au droit à la grève, alors que la négociation collective sera tout simplement abandonnée au profit d’une individualisation de la relation du travail. - N’est-ce pas en contradiction avec la Constitution qui garantit les libertés syndicales ? La Loi fondamentale a certes consacré la liberté syndicale, mais elle l’a renvoyée à la réglementation qui reste très restrictive en matière de droits syndicaux. Le projet de loi limite considérablement la participation du syndicat dans la négociation autour des conflits collectifs de travail et non individuel, comme prévenu initialement. Le plus grave, c’est que le projet de texte annule la qualité de délégué syndical, même si ce dernier est élu au comité de participation.Salima Tlemçani  

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