Peine de mort : la controverse continue

Le Séminaire international sur la peine de mort s’est poursuivi, hier pour la seconde et dernière journée, au niveau de la cour de Boumerdès. Attendu avec impatience depuis l’entame de la manifestation, le débat entre les partisans et les anti-peine de mort n’a pas eu lieu. Un débat qui déchaîne les passions dans plusieurs pays du monde musulman et qui est revenu au-devant de la scène nationale après les actes d’enlèvement suivis d’assassinat d’enfants. Contrainte du temps oblige, les organisateurs du séminaire se sont contentés des communications présentées par Me Souilah Boudjemaâ, défenseur acharné du rétablissement de la peine de mort en Algérie, et Me Mustapha Bouchachi qui milite depuis des décennies avec d’autres avocats pour son abolition. Les deux conférences ont eu lieu dans une salle archicomble et une atmosphère des plus sereines. Il faut dire que bien qu’ils soient minoritaires, nombreux sont ceux parmi l’assistance qui souhaitent le retour des exécutions et l’application de la charia. Certains voient la peine de mort comme «un élément sacré du droit et un moyen nécessaire pour instaurer la quiétude et la tranquillité dans la cité». Leurs adversaires, majoritaires dans la salle, eux, considèrent «la vie comme un droit indérogeable et que seul Dieu peut ôter la vie ou la donner». Pour Me Souilah Boudjemaâ, les moratoires et les droits de l’homme sont un pur produit de l’Occident. Tout en rappelant que «chaque pays a ses spécificités», cet ancien sénateur soutient que la démocratie est invoquée par les Occidentaux quand leurs intérêts sont mis en jeu. Selon lui, il y a bien des crimes dont les auteurs doivent être condamnés à mort et exécutés, citant l’espionnage, l’intelligence avec l’ennemi, le terrorisme et l’enlèvement d’enfants. «Il n’y a aucune raison pour ne pas rétablir la peine de mort. La justice s’est développée et les erreurs judiciaires sont très limitées grâce au développement des moyens technologiques. Ensuite, il faut se mettre à la place des parents dont l’enfant a été kidnappé et coupé en morceaux. L’Occident nous gave de discours sur les droits de l’homme alors qu’il est coupable de plusieurs crimes contre l’humanité à travers le monde. Que vaut la peine de mort devant les massacres commis contre les civils palestiniens ?» s’est-il écrié en suscitant des applaudissements dans la salle.   33 exécutions depuis l’indépendance Prenant la parole, Me Bouchachi a battu en brèche tous les arguments avancés par son prédécesseur. «J’écoutais Me Souilah et j’ai failli changer d’avis. Mais ici, nous sommes dans un débat scientifique. Nous ne devons pas penser avec nos sentiments, notre ferveur de nationalistes et nos convictions religieuses», a-t-il concédé d’emblée. Pour lui, l’abolition de la peine de mort nécessite une décision politique, pas un référendum, soulignant que si les Français et les Allemands avaient été consultés par leurs gouvernants, ils auraient été contre l’annulation de ce châtiment contraire aux valeurs humaines. Me Bouchachi soutient que «le rétablissement de la peine de mort rend service aux gens du système». «Depuis l’indépendance jusqu’à 1993, pas moins de 33 condamnés à mort ont été exécutés en Algérie. Ils sont soit pauvres, soit opposants au pouvoir. Aux Etats-Unis, plus de 70% des personnes exécutées depuis l’époque d’Abraham Lincoln à Obama, sont des Noirs qui ne peuvent désigner de grands avocats comme Me Brahimi et Ali Haroun pour les défendre», a-t-il encore rappelé provoquant des éclats de rire dans la salle. Autre argument, Me Bouchachi affirme que la justice est faillible et que la peine de mort ne réduit pas le nombre des crimes. Il a étayé ses propos par les cas de pays comme l’Irak, l’Arabie Saoudite et l’Iran où le taux de criminalité augmente d’année en année. Poursuivant, l’orateur met à nu les limites de la justice, en notant que les progrès technologies ne sont parfois pas mis à la disposition des juges pour éviter les erreurs judiciaires qui restent légion à travers le monde. Pour lui, la peine de mort est maintenue pour faire peur aux opposants, pas aux criminels.  

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