Présidente de la section de Tizi Ouzou de la Coordination nationale des enseignants de français d’Algérie (CNEFA)

Il y a trois ans, la Coordination nationale des enseignants de français d’Algérie (CNEFA) naissait. Ses initiateurs évoquent un manque flagrant en matière de formation des enseignants et disent travailler pour la promotion des langues étrangères, dont le français qui connaît un recul considérable depuis quelques dizaines d’années. Quelle est actuellement la place qu’occupent les langues étrangères dans les programmes et manuels scolaires ? A voir le niveau réel de nos enfants, celui des enseignants, la qualité de l’enseignement offert par l’université et la banalité des concours de recrutement, on se demanderait bien si une volonté quelconque existe à vouloir porter haut notre société en matière de savoir afin de trouver sa place parmi les géants du monde. L’enseignement précoce des langues étrangères représente un véritable atout. La prise en compte des contextes linguistique et culturel lors de l’apprentissage-enseignement des langues ne peut que contribuer à l’optimisation du potentiel des apprenants et à rendre les formations plus efficaces. Malheureusement, le système en place ne fait pas dans ce sens. On ne travaille pas dans le sens d’un projet de société qui s’ouvre sur le monde qui l’entoure. Les décideurs sont contre le changement et la conscientisation de la société. Ils font tout pour garder le pouvoir en étouffant le secteur de l’éducation et le maintenir en état de «réanimation». L’école n’est pas libre, alors la pensée ne peut être libre. Parlons précisément de la langue française. Comment vous voyez son évolution ? Malgré le fait que l’Algérie ne se reconnaisse pas dans la francophonie, elle reste tout de même le 2e pays francophone dans le monde. Cependant, la langue française qui était enseignée avant 1962 comme langue maternelle est passée, vers le milieu des années 1970, comme langue seconde. Elle a été enseignée à partir de la 3e année primaire en moyenne dix heures par semaine. Ensuite, vers les années 1980, elle est passée au statut de FLE (français langue étrangère) avec une moyenne de huit heures par semaine, et son enseignement ne débutera qu’en 4e année primaire. L’ajout d’une année dans le cycle moyen à partir de 2003 et l’introduction de la langue française en 3e année primaire en 2006/2007 impliquent la production de nouveaux manuels scolaires, mais le volume horaire est diminué jusqu’à cinq heures par semaine pour les 4e et 5e années primaires, et trois heures par semaine pour la 3e année primaire (1re année de français). Cette situation a entraîné un recul considérable du niveau de maîtrise de cette langue par nos enfants. Quelles sont, selon vous, les raisons qui ont conduit à son affaiblissement ? Plusieurs facteurs entrent en jeu dans cette question précise. L’idéologie de la langue de l’ennemi a contribué fortement à la baisse de la langue française dans nos écoles et plus précisément au Sud d’après des témoignages réels d’enseignants de la langue. Avec de tels arguments, l’apprenant et son tuteur sont induits en erreur et croient que la seule langue à qui on doit accorder de l’importance est la langue arabe. Un tissu de mensonges a été installé autour de cette grande question et a fait des dégâts considérables quant à l’acceptation de toute langue qui viendrait concurrencer la leur. Il y a aussi ceux qui rejettent cette langue par crainte d’embrasser la culture qu’elle peut véhiculer. Le plurilinguisme, loin d’être une perte d’identité, est bien au contraire un enrichissement et une force pour la société. Le manque de formation des enseignants a aussi joué son rôle négativement. En plus des heures insuffisantes consacrées à l’enseignement de cette langue, il y a aussi le conflit entre le statut de la langue française et celui de la langue anglaise en Algérie. Entre ceux qui optent pour le français et ceux qui optent pour l’anglais, la question n’est pas encore tranchée. Quelle devrait être la place des langues étrangères dans l’enseignement aujourd’hui ? A mon avis, la langue doit rester un moyen de communication et de transmission du savoir, loin de toutes considérations politiques ou autres. A l’ère de la mondialisation et du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication qui amènent les peuples à collaborer et à échanger, partager avec de nombreuses nationalités et de cultures toutes différentes les unes des autres, nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter de nous ouvrir sur les langues du monde. La science, la pensée sereine et l’avenir optimiste de notre pays devraient être notre objectif si nous ne voulons pas nous laisser broyer par la machine impitoyable de l’économie mondiale. Vous avez créé une organisation : la Coordination nationale des enseignants de français d’Algérie (CNEFA) qui se veut un cadre rassembleur des enseignants de langues étrangères du secteur de l’éducation nationale, en particulier ceux de français. Quel est exactement son objectif ? La CNEFA a été créée suite à un manque en matière de formation des enseignants, tant sur le plan linguistique que pédagogique. Notre coordination travaille pour la promotion et l’accompagnement de l’enseignant pour mieux accomplir sa noble mission. Et ce, en organisant des séminaires et des universités d’été, d’hiver et de printemps où sont conviés particulièrement les jeunes enseignants. Les rencontres sont organisées de façon à toucher les quatre coins du pays. Qu’en est-il de la présence des autres enseignants et des autres langues dans votre organisation ? Comme nous estimons que la pédagogie n’a pas de langue, nous avons élargi notre champ d’action à la participation des professeurs qui enseignent d’autres langues, comme tamazight et l’anglais. Les objectifs ne sont pas axés sur la langue, mais sur la manière d’enseigner les langues et comment parvenir à une maîtrise des outils d’enseignement. Quand vous abordez la méthodologie, pensez-vous que cette question a contribué aussi à l’affaiblissement des langues étrangères, notamment le français au sein de nos écoles ? Tout à fait. Former un enseignant, c’est le préparer à affronter toutes les situations possibles qu’il pourrait rencontrer durant son parcours. Et la méthodologie fait partie de ce qu’il doit avoir comme bagages. Il faut maîtriser les méthodes et les techniques d’enseignement pour mieux passer son message et arriver aux résultats souhaités. L’enfant n’est pas comme l’adulte. Il manifeste des spécificités, des besoins et des satisfactions qu’il faut cerner et comprendre. Quels sont vos objectifs dans l’avenir ? Quoique nous ayons en tant qu’organisation réussi bien des activités et des manifestations importantes depuis la création de notre coordination, nous avons des perspectives encore plus intéressantes. Nous voulons aller jusqu’à travailler en collaboration avec les directions de l’éducation pour avoir accès aux établissements scolaires, toucher directement l’enfant et l’impliquer dans nos activités culturelles et psychopédagogiques.

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