Libye : l’Égypte avance plus vite que l’Algérie

Les efforts diplomatiques pour le règlement de la crise en Libye se poursuivent sur plusieurs fronts. Alger, Tunis et Le Caire semblent être les plus impliqués dans ces actions pour éviter un chaos dans ce pays.

Début mars, les ministres des Affaires étrangères des trois pays se retrouvent à Tunis pour débattre de l’évolution des négociations avec les différentes parties libyennes et de la possibilité d’un sommet à trois (Bouteflika, Sissi, Essebsi) qui pourrait se tenir à Alger les prochaines semaines.

Le Caire, qui refuse toujours de faire participer certains courants islamistes libyens au dialogue, travaille pour un rapprochement entre Faiz Al Saradj, président du Gouvernement de l’accord national (GNA, crée après l’accord de Skhirat), et Khalifa Haftar, chef des Forces armées du Parlement de Tobrouk. Le maréchal Haftar a multiplié les visites au Caire ces derniers temps pour rencontrer, notamment, le général Mahmoud Hidjazi, chef d’état-major des forces armées égyptiennes.

Une solution parrainée par l’Égypte

Haftar, qui n’a visité Alger qu’une seule fois, a clairement déclaré qu’il était prêt à accepter toute solution à la crise libyenne parrainée par l’Égypte. Il doit rencontrer au Caire, selon plusieurs médias arabes, Faiz al Saradj, en présence de Salah Aguila, président du Parlement de Toubrouk. Comme Haftar, Aguila a toujours refusé de rencontrer Al Saradj et n’a jamais adhéré à l’accord de Skhirat.

D’après Al Jazeera, d’intenses discussions sont menées dans la capitale égyptienne depuis lundi avec plusieurs hauts responsables libyens. L’Égypte devrait proposer un amendement profond de l’accord de Skhirat (signé le 17 décembre 2015 au Maroc) pour donner un rôle plus important aux militaires dans le processus de prise de décision politique. Le Caire n’est pas contre le fait que Haftar s’installe comme chef suprême des forces armées libyennes en dépit du fait qu’il soit contesté par certains hauts gradés surtout depuis qu’il s’est attribué le titre de Maréchal.

« Dialogue inclusif »

Faisant face à la montée de groupes terroristes dans le Sinaï, Le Caire, qui cherche à neutraliser toute action politique des Frères musulmans, considère Haftar comme son principal allié en Libye. D’ailleurs, le dossier libyen est géré par le chef de l’état-major de l’armée égyptienne et non par le ministère des Affaires étrangères.

En 2014, Haftar a déclaré à un journal arabe qu’il travaillait pour « nettoyer » la Libye des Frères musulmans. Cela va dans le sens de ce que veut Le Caire.

Pour l’Égypte, la question libyenne est d’abord et surtout sécuritaire (une affaire de sécurité nationale). Ce qui n’est pas forcément le point de vue d’Alger ou de Tunis. Les deux capitales considèrent que la solution à la crise libyenne doit être politique, construite à partir d’un « dialogue inclusif » devant aboutir à un consensus national solide qui garantit « la cohésion et l’unité du peuple libyen » et « la stabilité de la Libye ». Un consensus qui comprend également les islamistes dont certains refusent tout « rôle politique » pour les militaires agglomérés autour de Haftar.

Agacement algérien

C’est dans ce contexte qu’Alger a exprimé son agacement quant à l’implication directe de Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahda, dans ce qu’il parait comme une médiation dans le dossier libyen. Le chef islamiste tunisien est un adepte de « la diplomatie populaire ».

Imed Hammami, ministre d’Ennahda dans le gouvernement actuel, a déclaré cette semaine à une radio tunisienne que la diplomatie populaire de Ghannouchi « est au service de la diplomatie officielle ».

Comprendre : le chef islamiste ne fait aucun pas sans l’aval de Béji Caid Essebsi.

Reçu à Alger par le président Abdelaziz Bouteflika le 22 janvier dernier, Ghannouchi a accueilli, chez lui à Tunis, Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet à la présidence de la République une semaine après. Hier lundi, une source diplomatique a confié à TSA que Ouyahia était en visite à Tunis dans le cadre d’une activité partisane.

Le RND, qui a toujours eu une attitude méfiante vis-à-vis des islamistes, cherche-t-il à se rapprocher d’Ennahda tunisien ? Si oui, pour quelle raison ? La visite d’Ouyahia à Tunis, fin janvier 2017, n’a pas fait l’objet d’un communiqué de la part du RND. De plus, Ouyahia n’a pas été reçu au siège du parti d’Ennahda mais à la maison de Ghannouchi. Est-ce normal pour une visite supposée être inscrite dans les échanges interpartisans ? Ouyahia a eu des entretiens, selon El Khabar, avec le chef islamiste libyen Ali Salibi, en présence de Ghannouchi. Ce qui n’a pas été démenti officiellement à la publication de l’information, il y a plus de quinze jours.

Un plan égyptien

Ghannouchi a déclaré au même journal algérien que Ali Salibi va jouer un plus grand rôle pour amener les membres du GNA, gouvernement établi à Tripoli, à faire plus de concessions pour aller dans le sens du dialogue voulu… par Alger.

Tout ce mouvement de ce qu’on peut appeler la diplomatie parallèle a été enclenché après la visite éclair, le 15 décembre 2016, à Alger, du président tunisien Béji Caïd Essebsi, à l’invitation de son homologue algérien. Le dossier libyen et la lutte contre le terrorisme étaient à l’ordre du jour de cette visite.

Ghannouchi, qui a été reçu par Bouteflika sept fois depuis 2011, peut être, malgré les méfiances exprimées publiquement par Alger lundi, une carte précieuse dans le dossier libyen. Ghannouchi a soutenu que le président Bouteflika a joué un grand rôle dans le rapprochement entre les deux grands partis tunisiens Nidaa Tounes et Ennahda. Sa position sur la Libye est plus proche de celle d’Alger que celle de Tunis.

En fait, Alger craint la multiplication des processus de règlement de la crise libyenne. Or, dans ce qui se passe actuellement au Caire, on est bel et bien dans ce scénario. Mais le rejet de la diplomatie parallèle exprimé par Alger n’est pas du tout justifié. Cet instrument est utilisé par tous les États dans le traitement des dossiers complexes, et ce, depuis longtemps.

La solution de la crise libyenne ne viendra pas de l’Union africaine(UA), contrairement à ce que pense Alger. L’UA est une machine lourde et inefficace en pareilles situations.

L’Égypte, qui semble avoir l’appui de Washington, est en train d’avancer plus rapidement dans le dossier libyen que l’Algérie. La prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Algérie, la Tunisie et de l’Égypte risque de se transformer en une séance d’acceptation d’un plan préparé au Caire pour régler le problème libyen.

Cet article Libye : l’Égypte avance plus vite que l’Algérie est apparu en premier sur TSA Algérie.



Admin

Enregistrer un commentaire

Plus récente Plus ancienne