Les sept raisons qui ont poussé le Maroc à se retirer d’El Guerguerat

La décision du Maroc de retirer, dimanche, ses gendarmes derrière le mur militaire qu’ils avaient franchi en plein été à El Guerguerat pour escorter l’équipe du génie civile, envoyée goudronner la piste qui conduit à la frontière mauritanienne, a été mûrement réfléchie par le roi Mohamed VI en consultation avec ses alliés européens, à commencer par la France.

Sept raisons ont poussé le souverain marocain à ordonner le repli, selon des sources diplomatiques européennes qui ont suivi ce conflit commencé le 14 août, avec l’équipée marocaine bloquée non pas par les Nations unies, qui ont regardé ailleurs, mais par le déploiement, le 28 août, des hommes en armes du Front Polisario.

1) C’est Mohamed VI qui a contacté, vendredi dernier par téléphone, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lui demandant d’intervenir dans le conflit d’El Guerguerat pour mettre fin aux « provocations » du Polisario. Guterres s’est prononcé samedi soir dans un communiqué où il demande aux deux parties de « retirer sans conditions dès que possible leurs éléments armés de la zone tampon ». S’il s’est adressé à Guterres pour lui demander de résoudre un problème, le roi doit ensuite lui faire confiance quand celui-ci propose une solution.

2) Mohamed VI s’était fâché avec Ban Ki-moon, le prédécesseur de Guterres, qui, lors de sa visite dans les camps de réfugiés de Tindouf, avait parlé de l’«occupation » marocaine du Sahara occidental. En obéissant maintenant à Guterres, il essaye de démontrer que le Maroc peut avoir de bonnes relations avec un secrétaire général de l’ONU à condition qu’il le perçoive comme impartial. Il laisse ainsi entendre que si l’envoyé du secrétaire général pour le Sahara, Christopher Ross, était lui aussi remplacé par un représentant plus « équitable », c’est-à-dire plus sensible aux intérêts du Maroc, ses rapports s’en trouveraient également améliorés.

3) Mettre en oeuvre l’appel lancé samedi par Guterres, c’est recueillir l’approbation de la communauté internationale –Washington, Paris, Madrid et le secrétaire général se sont félicités de la décision marocaine- et mettre la pression sur le Polisario. Dans leurs communiqués, les ministères des affaires étrangères espagnol et français lui demandent d’ailleurs de faire comme le Maroc à El Guerguerat.

4) Obtempérer devant le secrétaire général c’était aussi écarter le risque d’un affrontement armé, dont le Polisario aurait été le principal bénéficiaire. Certes l’armée marocaine aurait battu son adversaire, mais le conflit oublié depuis 1991 serait revenu sur le devant de la scène, ce qui n’est nullement dans l’intérêt du Maroc. Depuis 2011 à Manhasset (États-Unis), Rabat ne veut plus négocier quoi que ce soit avec le Polisario. Si les armes avaient crépité à nouveau, certaines puissances auraient fait pression pour que le Maroc prenne place à nouveau à la table des négociations.

5) En se retirant unilatéralement d’El Guerguerat, Rabat déstabilise le Polisario qui, pour le moment, y reste en maintenant ses positions et en s’installant même dans celles qu’occupaient les gendarmes marocains. Plusieurs responsables du mouvement indépendantiste saharaoui ont déclaré en « off the record » qu’ils ne bougeraient pas de là où ils sont. Dans le communiqué qu’il a publié dimanche soir, le Polisario ne dit cependant pas qu’il va y rester. Son leader, Brahim Ghali, ne l’a pas non plus précisé dans le discours qu’il a prononcé lundi à l’occasion du 41ème anniversaire de la proclamation de la République arabe saharaouie démocratique (RASD). Cette omission fait penser qu’il tente de se ménager une porte de sortie au cas où la pression diplomatique serait intenable.

6) En adoptant une attitude conciliatrice, le Maroc se fera sans doute moins gronder dans le rapport sur le Sahara que le secrétaire général soumettra fin avril au Conseil de Sécurité. Certains membres du Conseil et l’ancien secrétaire général ont un certain nombre de griefs contre le Maroc qu’ils veulent voir couchés sur papier. Le plus important d’entre eux est l’expulsion par Rabat en mars de 84 agents de la branche civile de la Minurso, le contingent des Nations unies déployé au Sahara, dont 17 n’ont toujours pas été autorisés à rejoindre leurs postes de travail.

7) En montrant son exemplarité, le Maroc s’octroie en apparence, aux yeux de la communauté internationale, une plus grande légitimité pour s’en prendre au Polisario s’il venait à commettre le moindre faux pas. Le responsable de la défense de la RASD, Abdellah Lehbib Bellal, n’avait pas exclu de fermer au trafic la route qui relie le mur militaire à la douane mauritanienne lors d’une interview avec « Masarat », un journal en ligne de Nouakchott. Les camions qui exportent les produits agricoles marocains vers la Mauritanie et l’Afrique subsaharienne empruntent cette route.

Le repli derrière le mur ordonné par le souverain n’avait finalement qu’un seul grand inconvénient pour le palais royal : expliquer à une opinion publique à qui on a rabâché que le Maroc s’étend de Tanger à Lagouira pourquoi un groupe de « mercenaires en haillons » [expression employée par la presse marocaine pour décrire les soldats déployés par le Polisario] avait pu bloquer et même faire reculer dimanche la quatrième armée d’Afrique. Mais au Maroc la plupart de la classe politique, et aussi la presse, ont renoncé depuis longtemps à ce qu’on leur rende des comptes à propos d’une décision prise par le roi.

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