La 54e édition du Salon international de l’Agriculture se tient à Paris jusqu’au 5 mars 2017. L’événement accueille environ 1.000 exposants venus de 25 pays. L’édition 2016 avait reçu plus de 610.000 visiteurs.
Après 25 ans d’absence, l’Algérie est représentée cette année au salon international de l’Agriculture par sept entreprises privées venues sur place par leurs propres moyens. Six de ces entreprises, la conserverie Thala, Sud Dattes, les huileries Houali, le Royaume de la Figue, la Maison Lahlou – qui produit surtout du couscous – et le producteur de vin algérien Grands Crus de l’Ouest (GCO), sont basées en Algérie et ont financé sur leurs propres deniers leurs stands et leur voyage. La septième, Fleur d’Amande, est une pâtisserie algérienne basée à Montreuil, en région parisienne. Tous espèrent faire connaître leurs produits, l’Algérie et rencontrer de nouveaux distributeurs.
À l’origine de la venue de ces entreprises, l’organisateur indépendant Makhlouf Chalal, ingénieur agronome algérien formé en Algérie et diplômé en management de Reims, qui se démène pour ce genre d’initiative depuis cinq ans.
« Les officiels parlent toujours de l’agriculture comme étant stratégique, surtout dans le contexte actuel de baisse des hydrocarbures. Pourtant, pendant 25 ans, l’Algérie n’était pas au salon de l’Agriculture, alors que nos voisins, eux, étaient là ! » déplore M. Chalal. « À la Foire de Paris aussi, cela faisait 15 ans qu’il n’y avait pas eu de participation de l’État algérien. Moi, l’année dernière, j’y suis allé avec quatre entreprises algériennes. »
« L’État est absent »
« L’État algérien est absent », lance M. Chalal, dont la frustration est visible. « Pourtant, nous avons toutes les conditions pour être présents à de tels salons. Nous avons des agences et un budget pour cela. Mais les invitations que nous avons envoyées il y a trois mois au ministère de l’Agriculture, à la Chambre nationale, à l’ex-SGP (Société de gestion des participations « Développement Agricole »), à l’ONCV (Office national de commercialisation des produits Viti-vinicoles) sont restées sans réponse. »
« Pourquoi ? », interroge-t-il. « Ne serait-ce pas leur priorité ? Au mieux, on reçoit des réponses vagues, des ‘on verra…’ Mais aucun diplomate n’est venu nous voir, alors que nos voisins ont, eux, reçu des visites de représentants de leur État. Le 27, nous sommes invités par le ministère ivoirien de l’Agriculture à une rencontre d’échange sur l’agriculture en Afrique, mais notre ministre est absent. »
Quel intérêt y a-t-il à participer à ce Salon ? « Le marché est là : il y a cinq millions de consommateurs algériens en France, et ils sont demandeurs de produits algériens », souligne M. Chalal.
« Mais l’État n’est pas là pour nous encourager », insiste-il. « Les producteurs ne peuvent généralement pas payer seuls leur stand et leur voyage. Sans compter la difficulté pour le transfert d’argent vers l’étranger. On peut sortir des devises dans une valise pour aller faire des emplettes, mais faire des transferts d’argent et de marchandise, gérer la douane, ça, c’est très compliqué. L’État n’est pas là pour négocier avec nous. S’il l’était, nous serions en force. Nous aurions pu avoir davantage d’exposants et de moyens. Mais on nous met des bâtons dans les roues. C’est un vrai parcours du combattant », déplore-t-il.
Azzeddine Benzidoune, gérant de la pâtisserie Fleur d’Amande, s’avoue déçu lui aussi. « Je ne m’attendais pas à ça », déclare-t-il. « Lorsque j’ai participé au salon international de l’Alimentation il y a quelques mois, l’État était là. Je ne m’attendais pas à ce que le pavillon Algérie du salon de l’Agriculture ait aussi peu de moyens. »
Pour M. Abdeljallil Rahma, commercial chez Sud Dattes, plus que le gouvernement, le problème, « c’est le peuple qui dort. » Il explique : « Vous avez des dattes qui se vendent à 9 ou 10 € le kilo. Chez nous, les exportateurs acceptent de brader leurs produits. L’un va vendre à 4 €, l’autre à 3,50 €… Alors que si le prix était fixé, les clients s’y adapteraient. Il faut fixer les prix et valoriser nos produits », explique-t-il avec conviction. Pour cela, il faudrait une concertation entre les exportateurs. « Je leur ai proposé de se réunir et d’agir ensemble », affirme M. Rahma, « mais il n’y a pas eu de suite. »
Chalal continue d’espérer plus d’implication de l’État à l’avenir. « Nous invitons la chambre nationale à encourager la filière fruits et légumes. Je suis à leur disposition pour organiser quelque chose », déclare-t-il.
« En 2015, Xavier Beulin [président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, décédé récemment] était venu nous voir au salon Medfel [Salon international d’Affaires de la filière fruits et légumes de l’euro-méditerranée]. Nous avons eu des contacts avec des représentants français. C’est dommage que les autorités françaises nous ouvrent leurs portes alors que les autorités algériennes ne le font pas », conclut M. Chalal.
Les entreprises présentes
La conserverie Thala, du nom du village Thala Bouzrou à Makouda, expose des produits artisanaux parmi lesquels le co-gérant, M. Farid Loudahi, nous présente des tomates séchées, de la salade mechouya, des confitures, du pesto oriental, du pesto rosso et des herbes de Provence.
Le Royaume de la Figue, en provenance de Béjaïa et qui vient d’être labellisé UE, propose de nombreux produits à base de figue : confiserie, figues séchées, cosmétiques, miel, vinaigre… Ancien mécanicien, le gérant, M. Mourad Abid, explique être le premier à avoir transformé la figue en Algérie, au début des années 2000.
Sud Dattes, en provenance de Biskra, a installé un stand bien achalandé en dattes algériennes, vendues au détail et auxquelles les passants peuvent goûter.
La Maison Lahlou, de Draâ el-Mizane, propose une gamme de couscous de blé fait main, du couscous d’orge, du couscous parfumé à la lavande, au thym, à l’origan… Leur couscous se vend déjà à Montreuil mais « ce n’est pas facile de s’implanter » en France, indique le gérant. Notamment, la fabrication du couscous en Algérie à base de blé subventionné réduit les possibilités d’exportation.
L’huilerie Houali de Tizi Ouzou propose deux types d’huile d’olive produite en Algérie.
L’entreprise Grands Cru de l’Ouest algérien expose plusieurs bouteilles de vin produites en Algérie. « Mais l’ONCV (Office national de commercialisation des produits Viti-vinicoles) est absent”, regrette M. Chalal.
Fleur d’Amande, pâtisserie basée à Montreuil en France, propose des gâteaux algériens (baklawa, tcharek, makrout…) ainsi que des msemmen, mhadjeb et beignets. En étant là, la boutique espère contribuer à valoriser l’image de l’Algérie à l’étranger. « On ne connaît pas assez les produits algériens. Il faut qu’on se fasse connaître », affirme M. Harguas, qui y travaille.
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