Factures d’électricité : Le sud en colère

Des manifestations ont déjà été organisées et d’autres sont programmées. Plusieurs wilayas du Sud sont en ébullition depuis quelques jours. En cause : les factures d’électricité élevées. Guemmar, Reguiba, Magrane, Ourmes et Ouled Djellal. Les factures d’électricité du 3e trimestre ont fait des étincelles au sein des populations sahariennes qui vivent depuis le mois de mai le plus torride des étés depuis des décennies. Des températures record ont été enregistrées ces cinq derniers mois à travers ces villes invivables, où le seul refuge des habitants est le climatiseur qui continue à tourner à plein régime en cette fin de septembre. «Une maison fraîche quand il fait plus de 50°C est un luxe que nous refuse Sonelgaz et que nous ne pourrons plus payer avec des factures dépassant les 20 000 DA», se lamente Malek, qui reconnaît toutefois «utiliser trois climatiseurs non-stop durant l’été». Fini la période ou chaque foyer disposait d’un unique climatiseur pour toute la famille, «les gens demandent du confort et une continuité de service qui leur ont été refusés pendant longtemps». Tant et si bien que les ménages revendiquent non seulement «une bonne qualité du courant durant la période de canicule» mais aussi et surtout «la généralisation du tarif de 1,779 DA appliqué à la première tranche de consommation de 0 à 125 kilowatt/heure par trimestre aux trois autres tranches de consommation en vigueur». Pour les clients des zones sahariennes où il est impossible de vivre sans climatiseur pendant la moitié de l’année, ce sont les augmentations des tranches relatives aux consommations comprises entre 250 à 1000 KWh/trimestre et plus de 1000 KWh/trimestre qui posent problème, vu qu’elles sont désormais comptées à 4,81 et 5,48 DA. D’où la contestation qui gagnera In Salah demain. Les femmes aussi s’insurgent Au lendemain des émeutes de Biskra et El Oued où les RN16 et 46 ont été débloquées par les forces antiémeute à coups de gaz lacrymogènes et à la manière des femmes d’In Salah lors de la contestation antigaz de schiste fin 2014, une trentaine de femmes, rejointes par une dizaine d’hommes, ont manifesté contre cette hausse des factures d’électricité à Aougrout, 60 km au sud de Timimoun. Huit d’entre elles ont été malmenées par la police qui les a interpellées et conduite par la force avec sept autres manifestants pour les auditionner, explique Mohad Gasmi, militant des droits de l’homme à Adrar. Selon lui, «les policiers voulaient à tout prix lever le sit-in», bien qu’il s’agisse d’une première dans les annales locales. Les organisateurs se sont ensuite retirés, laissant la place à des membres de «la société civile organisée» qui ont entamé un dialogue avec le secrétaire général de la wilaya. A Zaouiet Kenta et Reggane, la population s’apprête à riposter. Des appels à une manifestation commune au chef-lieu de la wilaya d’Adrar ont été lancés. La police a, pour sa part, affirmé dans un communiqué rendu public mercredi, «être intervenue, durant la journée de mardi à Aougrout et avoir mis fin, à l’aide de moyens appropriés, à une manifestation non pacifique». Certes, les manifestants se seraient emparés de deux camions de livraison de gaz butane appartenant à la société Naftal, avec lesquels ils ont obstrué l’artère principale de la ville menant au siège de l’APC. Cependant, selon la police, les véhicules en questions contenaient une importante cargaison de bouteilles de gaz butane chargées. Une situation inédite pour cette paisible localité peuplée en majorité d’Oasiens. Une confrontation à haut risque qui n’a pas laissé d’autre choix aux forces de l’ordre que d’entreprendre une action rapide et efficace afin de dissuader toute mauvaise intention. La police aurait donc usé de gaz lacrymogènes essentiellement pour reprendre les chargements de bouteilles de gaz, un produit explosif, aux contestataires. A noter que les contestataires, estimés au nombre de 300, réclamaient également l’emploi et la dénonçaient la dégradation du secteur de la santé en raison du manque de personnels médical et paramédical, de médicaments, d’ambulances… Toutefois, si le communiqué indique le retour au calme dans la cité sans aucun incident majeur, ni perte humaine ou dégâts matériels, il ne fait pas état d’éventuelles arrestations. Les contestataires d’Adrar appellent les autorités à «revoir à la baisse» les tarifs de l’énergie électrique et à définir une tarification «symbolique» de l’électricité, voire à «ne pas comptabiliser la consommation durant les fortes chaleurs de l’été». Le directeur de la société de distribution de l’électricité et du gaz d’Adrar, Abdelhak Chaâbane, a quant à lui indiqué à l’APS que «les tarifications de l’électricité sont fixées selon le volume de consommation des clients» et que ses services étudieront «les moyens d’aider les clients à régler cette question, en consultation avec les services centraux de l’entreprise, à la condition que les clients s’engagent à s’acquitter de leurs factures». Consommation illicite De retour après un congé d’été bien mérité, Mohamed, originaire de la ville de Tamanrasset, a été surpris par une mise en demeure accompagnée d’une facture d’électricité particulièrement salée à payer. «Pourtant, je n’étais pas là et même durant la période d’occupation de mon logement, je n’ai jamais changé mes habitudes de consommation dont le montant a presque doublé», nous dit-il perplexe. Pour Mohamed, il n’est pas exclu qu’une erreur ait été commise. Mais pas avant d’avoir la version du centre de paiement qui lui fait part d’un réajustement tarifaire en application des nouvelles dispositions entreprises par la direction de distribution du gaz et d’électricité de la wilaya. «J’étais au courant de la nouvelle majoration, mais je trouve que son application a été faite exagérément eu égard aux exorbitantes factures reçues depuis avril dernier, mois coïncidant avec les grandes chaleurs qui s’abattent dans cette région saharienne. Je conteste cette augmentation décrétée sans prendre en considération la rudesse du climat et les souffrances des familles vivant à la merci des climatiseurs», se lamente notre interlocuteur, en s’en remettant aux plus hautes autorités du pays pour prendre des dispositions spéciales pour le sud afin de soulager ces familles prises entre deux feux. Il n’est pas le seul à contester cette majoration qui brûle bien des langues, puisque nombreux sont ceux qui ont décidé de ne plus s’acquitter de leur factures d’électricité, à l’exemple des commerçants de Tafsit, contraignant ainsi l’APC de Tamanrasset, destinataire d’une facture qui donne le vertige car étant le propriétaire du marché, à saisir la direction locale de distribution d’électricité pour opérer une coupure. Une solution qui n’a pas pu régler le problème des locataires encore moins celui des ménages qui préfèrent recourir à des branchements illicites pour éviter les surprises des surfacturation. Rappelons qu’en 2014, la direction de la distribution de l’électricité et du gaz de la wilaya de Tamanrasset (DDT) a essuyé une perte de 470,52 millions de dinars. Sur les 320,6 gigawatts/heure achetés, seulement 232,6 GWh ont été distribués, soit une différence de 38,1 GWh représentant un taux de 11% d’énergie perdue. Un abonné sur 16 consommait de l’électricité frauduleusement. Le préjudice des raccordements illicites était évalué à 51 millions de dinars, soit l’équivalent de 12,3 GWh de perte représentant une masse couvrant jusqu’à 2,5 mois de salaire du personnel de la DDT. 23% des abonnés sont raccordés illicitement au réseau électrique. Affrontement Une bataille sans merci a été engagée l’année dernière par la DDT pour venir à bout de ce phénomène qui a pris des proportions alarmantes, notamment avec l’ampleur qu’ont prise les constructions illicites dans cette wilaya livrées à mille et un maux. Le président-directeur général du groupe de distribution de Sonelgaz, Mustapha Guitouni, a quant à lui assuré les clients, à partir d’Alger, qu’aucune augmentation des tarifs de consommation de l’électricité et du gaz n’était programmée pour l’année en cours. Il a précisé que l’entreprise a adopté des mesures rigoureuses pour le recouvrement de ses créances auprès des administrations et des entreprises atteignant plus de 60 milliards de dinars à l’échelle nationale et plus de 10 milliards de dinars dans la seule wilaya d’Alger. Le non-paiement par les clients de leurs dettes envers Sonelgaz entrave la réalisation des projets et des investissements du groupe, a-t-il soutenu, affirmant avoir donné des instructions aux directeurs centraux et aux gérants d’agences commerciales à l’effet de s’employer au recouvrement des créances selon un calendrier déterminé. Le déni face à une hausse dénoncée par le consommateur du Sud, culpabilisé et accusé de gaspiller l’énergie électrique durant les périodes de pointe et de profiter à tort du soutien de l’Etat qui ne s’applique qu’aux tranches inferieures de consommation, telle est la réaction de la SDC, dont le service de communication gagnerait à lancer des campagnes de vulgarisation de la lecture des factures au profit du consommateur, tout en l’incitant positivement à changer ses habitudes de consommation sans renoncer à son droit au confort climatique durant la période de canicule.  

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