El Khabar menacé de disparaître : L’alibi de Hamid Grine

Les incohérences, qui ont présidé à la mise en branle de la machine judiciaire pour annuler une transaction marchande somme toute légale du point de vue commercial, mettent dans une posture peu enviable le ministère de la Communication, qui plaide pour le respect de la loi tout en faisant abstraction du vide institutionnel entretenu, rendant inopérant un code de l’information dénué d’instruments d’application. Le ministère de la Communication, qui fonde son opposition au rachat d’El Khabar par l’homme d’affaires Issad Rebrab sur l’esprit des articles 16, 17 et 25 du code de l’information ignore-t-il que cette même loi confère en l’espèce un rôle prépondérant à l’autorité de régulation de la presse écrite ? Autorité qui attend toujours sa mise en place et à laquelle la tutelle de Hamid Grine se substitue facétieusement, reprochant à la corporation des journalistes son incapacité à s’organiser. Hamid Grine qui a tenu à faire part, à partir de Constantine où il a animé une conférence de presse jeudi, de l’opposition de son département à la transaction en question, a souligné en outre que cette dernière «est subordonnée à un certain nombre de lois». Entendre par transaction, dans la bouche du ministre de la Communication, le rachat d’El Khabar par une filiale du groupe Cevital appartenant à Issad Rebrab et non pas la cession d’actions, ce qui est dans le fond comme dans la forme en porte-à-faux avec les affirmations de Hamid Grine, qui semble convaincu que le verdict de la justice acquiescera sa demande. Dès lors, le groupe El Khabar, qui détient la chaîne de télévision KBC, des sociétés d’impression et de diffusion de presse, risquerait de voir disparaître le quotidien si l’on s’en tient à l’esprit des articles de loi convoqués par Hamid Grine. Assistera-t-on à une purge nécessaire sous couvert de la force de la loi mais dont serait victime, paradoxalement, l’un des plus importants titres de la presse nationale à la veille de la Journée mondiale de la liberté d’expression ? Le ministre de tutelle, qui connaît mieux que quiconque l’incommodante réalité du paysage médiatique à travers la floraison d’une panoplie de périodiques — comparables à des feuilles de chou tenues au vert par l’entremise de la publicité publique qui avoisine les 70% du marché des annonces — n’ignore pas qu’El Khabar est loin d’être le candidat approprié à l’extinction. «Je ne commenterais pas une décision de justice qui n’a pas encore eu lieu», dira-t-il à propos de l’avenir du journal El Khabar. En effet, l’article 16 du code de l’information auquel fait référence le ministre de la Communication stipule clairement que «l’agrément est incessible sous quelque forme que ce soit. Nonobstant les poursuites judiciaires, toute violation de cette disposition entraîne le retrait de l’agrément». Mise en avant par le ministre lors de sa conférence, cette disposition se prête, à ses dires, au cas présent. Argument balayé aussi bien par les responsables du groupe El Khabar que ceux de la filiale de Cevital, Ness Prod considérant ni plus ni moins que l’acquisition par cette dernière en tant qu’entité  morale d’un certain taux d’actifs du groupe n’est aucunement assimilable, du point de vue de la loi, à un rachat. Comme ils tiennent d’ailleurs à récuser l’assertion présentant Issad Rebrab comme propriétaire du quotidien Liberté, lequel ne serait qu’un actionnaire de la Sarl SAEC, éditrice du titre. Et c’est à ce chapitre précis que le ministre justifie sa réprimande sur la base de l’article 25 du code de l’information qui précise qu’«une même personne morale de droit algérien ne peut posséder, contrôler ou diriger qu’une seule publication périodique d’information générale de même périodicité éditée en Algérie». La Sarl SAEC éditrice du journal Liberté et la filiale de Cevital Ness Prod étant deux entités différentes — et par voie de conséquence deux personnes morales distinctes — est un fait qui bat en brèche la présomption qui pèse sur Issad Rebrab, du moins d’un point de vue légal. Telle n’est pas pour autant la conviction de Hamid Grine, qui fait appel dans son argumentaire à l’article 17 du code de l’information : «Dans le cas de vente ou de cession de la publication périodique, le nouveau propriétaire doit demander un agrément conformément aux modalités prévues aux articles 11, 12 et 13 de présente loi organique.» Allusion faite à Issad Rebrab. Ce dernier, qui ne détient vraisemblablement pas d’agrément d’édition d’un quelconque journal, dont celui identifié comme étant sa propriété, Liberté en l’occurrence, échappe donc aux collusions suscitées par cette affaire au regard de la loi. Mais les lois invoquées présupposent l’existence d’«une autorité de régulation de la presse écrite, autorité indépendante, jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie financière» justement à l’effet de veiller à la conformité des aspects qui ont motivé la sortie impromptue de la tutelle.

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