Les femmes discriminées dans l’audiovisuel

Les femmes sont discriminées dans les médias. C’est le constat du rapport sur l’image des femmes dans les médias audiovisuels algériens, réalisé par MENA Media Monitoring (MMM), en collaboration avec la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH). Le monitoring (observation) d’un échantillon de médias (radio et télévision) s’est déroulé pendant trois semaines entre le 28 janvier et le 17 février. Les médias retenus sont les Chaînes 1, 2, 3, Radio El Bahdja, la A3 ainsi que trois chaînes privées (Ennahar, Echourouk et KBC). Le rapport présenté, hier, au siège de la Ligue à Alger, déplore les discriminations à l’égard des femmes : moins visibles en tant que sources malgré une forte féminisation, les sujets les concernant sont moins valorisés, discrimination au profit des hommes journalistes, cantonnement dans les sujets moins «sérieux», etc. «La féminisation de ces médias, constatée dans les programmes étudiés, n’a pas empêché la prégnance des comportement discriminatoires et misogynes à l’égard de cette catégorie», a regretté Amirouche Nedjaâ, directeur du projet, qui a recensé les indicateurs  permettant de corroborer la constance des préjugés sexistes à l’égard des femmes dans tous les médias étudiés. L’étude a constaté que les femmes restent «très peu visibles» dans les médias audiovisuels avec un taux estimé à 29% seulement : sur un total de 14 108 des apparitions des sujets externes, 19,10 seulement sont des femmes et seulement une personne sur cinq dont parlent les télés est une femme ; dans les radios cependant, sur un total de sept personnes une seule est une femme (20,26% dans les télés et 13,04% dans les radios). Concernant les débats, une personne invitée sur un nombre total de cinq est une femme (21,80 de l’ensemble). Quant à la moyenne des femmes sources dans les télés et radios, elle est estimée à 27% (seule une personne source sur quatre est une femme). Si l’étude constate presque une parité concernant l’apparition des personnes des deux sexes dans les médias ( 45,08% des apparitions sont féminines), il a été relevé qu’on continue, malgré la féminisation du métier, à parler de ce que les hommes ont fait ; cette dominance des professionnels, avec une «satisfaisante apparition» des femmes professionnelles en tant qu’auteurs de reportages (42,61%) ou présentatrices (53%),  n’a pas encouragé la visibilité des femmes en tant que sujets externes (19,10%). Concernant la centralité des nouvelles, l’étude constate que sur un total de 5750 nouvelles, seulement 160 informations sont centrées sur des femmes (2,7%). Les médias se focalisent souvent sur les personnes masculines ou qu’ils abordent surtout des thèmes très généraux ; la place qu’ils accordent aux femmes reste minime ; les productions médiatiques sont centrées sur les femmes 37 fois moins souvent que sur les hommes et donc l’inégalité entre les genres est frappante, signale l’étude. Les sujets féminins sont rarement visibles dans le domaine de la politique avec seulement 10,05% et 9, 86% dans le domaine de l’économie. «Dès qu’on déplace l’observation vers un média, une rubrique, un horaire ou même une période riche en information sérieuse (politique, économie…), on voit disparaître les sujets femmes au profit des sujets hommes», relève Amirouche Nedjaâ, qui conclut que plus il y a d’informations «sérieuses» au programme, moins il y a de femmes. Pour le directeur du projet, ces inégalités ne sont pas justifiées puisque 31,6% des députés sont des femmes et que les journalistes ont toute la latitude pour varier le genre de leurs sources d’informations politiques. Sujets légers pour les femmes ! Selon l’étude, les femmes sont «cantonnées» dans certains métiers et rôles sociaux : elles interviennent davantage dans les domaines qui leur sont traditionnellement associés, comme la santé (39,75%), l’éducation et surtout la famille et le foyer (80,88%). Autre indicateur permettant de parler de discrimination à l’égard des femmes : les médias s’intéressent plus à l’homme, avec des pourcentages importants. On ne parle des femmes qu’à des proportions minimes (20% pour la TV et 13,4% pour la radio). Il y a des inégalités de genre entre collègues d’un même support, avec seulement 5,41% des femmes qui animent les débats d’information à la télé. Les femmes sont particulièrement présentes pour présenter les informations avec un taux de 47%, 90% dans les télés et 53,85% dans les radios. Il est relevé aussi que pour animer les émissions de divertissement, la domination est féminine. Selon l’étude, les femmes âgées sont encore plus discriminées que leurs collègues jeunes : plus elles avancent en âge moins elles apparaissent dans les médias, surtout à la télé (21% pour les femmes de 35 à 49 ans ; 14% dans le palier 50-64 ans). Plusieurs recommandations ont été faites à l’adresse des journalistes, des responsables des médias et de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV). Il est ainsi demandé aux professionnels de diversifier les personnes sources, de rompre avec les stéréotypes et les idées reçues, de vulgariser les engagements de l’Algérie vis-à-vis de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ratifiée par l’Algérie, résume  Abdelmoumène Khelil, secrétaire général de la LADDH. Aux responsables des médias, il est suggéré de promouvoir et de mettre en place des rubriques mettant en valeur les accomplissements des femmes (portraits, débats politiques avec un plateau à 100% femmes, etc.), de se pencher sur les grilles de programmes en gardant en tête l’équité entre journalistes des deux sexes. L’ARAV est aussi interpellée : il lui est recommandé la création d’un monitoring permanent qui veillera à l’observation des médias sous la perspective de genre et l’intégration dans les cahiers des charges destinés aux médias de la garantie de la présence des femmes dans les programmes.     

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