Compenser les pertes de la fiscalité pétrolière

C’est demain, 1er juillet, qu’entrera en vigueur le décret instituant l’usage du chèque pour toute transaction égale ou supérieure à 1 million de dinars. L’objectif d’une telle disposition est triple : «Diminuer le recours au cash, sécuriser et donner du confort à cette clientèle qui travaille avec de gros montants, recycler progressivement les transactions qui se font en dehors des banques», explique Abderrahmane Benkhalfa, ministre des Finances. Pour lui, toutes les transactions concernées par ce seuil de tolérance fixé «doivent maintenant s’opérer à l’intérieur des banques, car il s’agit bien d’une source pour l’investissement». Le moment semble donc venu à même de tenter un nouveau coup de force réglementaire afin de canaliser l’argent de l’informel vers le circuit bancaire. L’ombre d’Ahmed Ouyahia, architecte des deux premières bases réglementaires destinées à bancariser l’argent de l’informel, plane sur cette nouvelle tentative. Les deux premières expérimentations se sont soldées par un échec cuisant, retirées subito presto sous l’instigation directe des lobbies de l’importation et du commerce sans facturation. Pour le premier argentier du pays, invité hier dans les studios de la radio Chaîne III, «cette œuvre de bancarisation et d’inclusion financière» se fera «progressivement», ce qui fait songer à l’arrivée, dans les semaines à venir, de nouvelles formules de taxation des fortunes qui ne sont pas fiscalement répertoriées. Pour un pays dont l’économie est suspendue à la valeur du baril de brut, lequel modèle se révèle désormais insoutenable et à bout de force, tant les prix du pétrole s’abîment dans un marché décidément incertain. La fiscalité pétrolière ne fait plus bonne recette, plombée par l’atmosphère morne et déprimante des marchés. C’est dans cette conjoncture que le gouvernement fait le choix de miser désormais sur l’indice de bancarisation des fortunes. Leur taxation aussi. Il y aurait entre 3700 et 4000 milliards de dinars de fonds en circulation en dehors des circuits bancaires. D’autres estimations parlent de 40 milliards de dollars de fortunes qui prolifèrent dans l’informel. Pour le ministre des Finances, ces fortunes «privent l’économie de ressources qui peuvent servir l’investissement». Les coffres c’est la banque Dorénavant, «les coffres c’est la banque, ce n’est ni la cuisine ni la salle à manger. La chkara est aussi un problème de sécurité», dit-il, décrétant ainsi de nouvelles règles du jeu, applicables à la fois aux bons et aux mauvais contribuables. Le ministre fixe néanmoins une condition, «l’argent qui arrive aux banques et qui est propre dans sa source est le bienvenu. Mais l’argent qui n’est pas propre dans sa source est hors de cette démarche». Abderrahmane Benkhalfa s’attend au surgissement de «quelques couacs au début de l’opération, mais dans deux à quatre mois, nous devrions être au niveau d’un pays moderne». Pour ce qui est des petits paiements, une réunion des banquiers de la place est prévue pour le 2 juillet. Ordre du jour : développer la carte de paiement. Selon Abderrahmane Benkhalfa, les efforts tendent à élargir le paiement par carte avant juillet 2016. «Il faut que la monétique se développe, comme ce fut le cas pour la téléphonie.» Les priorités du nouveau ministre des Finances sont rapidement identifiées : moderniser le système bancaire, les assurances, rationaliser les ressources, faire de sorte à ce que le budget soit efficient. Pour Abderrahmane Benkhalfa, le pays a besoin de renouer avec la croissance, l’efficience budgétaire, l’optimisation des ressources et la rigueur dans la gestion des finances publiques. Effleurant la situation actuelle des finances du pays, le ministre reconnaît que l’Algérie «dispose encore d’une marge de manœuvre de quelques années», mais il est temps de «changer de cap dans l’usage des fonds». «La loi de finances complémentaire est dans les labos, il y a des dispositions et des alternatives qui s’étudient. Je confirme qu’il y a beaucoup de mesures qui portent sur le soutien à l’activité productive, mais il faut que l’ascenseur revienne par un développement de la sphère réelle. Nous avons besoin de cette efficience et de ce retour à la croissance», conclut Abderrahmane Benkhalfa, comme pour dire qu’il était déjà temps de se mettre au travail, le pétrole n’est qu’une richesse éphémère.

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